11.
Comblez-nous de joie à proportion des jours où vous nous avez affligés et des années où nous avons vu les maux. » Il y a dans la version des Septante: « Nous nous sommes réjouis à proportion des jours où vous nous avez humiliés et des années où nous avons éprouvé les maux. » Tel a été le sort de Lazare : après avoir passé sa vie dans la misère et dans une extrême pauvreté, il goûte maintenant dans le sein d'Abraham un repos solide et des plaisirs éternels. Par les maux dont parle ici le prophète on ne doit pas attendre ce qui est contraire au bien, ou les vices opposés à la vertu, mais les afflictions, les disgrâces et les misères de la vie présente, selon ce que l'Ecriture dit de Sara, qu'elle faisait sans cesse du mal à sa servante, et ce que nous lisons dans l'Evangile : « A chaque jour suffit son mal. » Plus donc nous aurons été dans le siècle présent exposés aux persécutions, accablés de pauvreté et de misères, opprimés par la puissance et l'injustice de nos ennemis, affligés par de longues et de cruelles maladies, plus aussi sera grande la récompense que nous recevrons dans le siècle futur après notre résurrection. Remarquez que le prophète ne dit pas: « Les années où nous avons souffert les maux, » mais: « où nous avons vu les maux, » conformément à ce que dit le Psalmiste : « Qui est l'homme qui pourra vivre sans voir la mort? » ce qui ne marque pas tant la séparation de l'âme d'avec le corps que l'état où doivent se trouver ces pécheurs dont parle, un prophète lorsqu'il dit : « L'âme qui aura péché mourra elle-même. »
« Découvrez votre ouvrage dans vos serviteurs, et faites éclater votre gloire sur leurs enfants.» C'est donc Dieu lui-même qui agit et qui opère dans ses serviteurs. Le prophète ne se contente pas de demander son propre salut, il prie encore le Seigneur de faire éclater sa gloire sur ses serviteurs et sur leurs enfants, ce qui doit s'entendre non pas de leurs descendants, mais de leurs disciples, selon ce que dit saint Paul : « Mes petits enfants, pour qui je sens de nouveau les douleurs de l'enfantement. » C'est pour cela que l’apôtre saint Jean, dans ses épîtres, qualifie ceux à qui il écrit tantôt «d'enfants, », tantôt de «jeunes gens, » tantôt de « pères, » selon les mérites de ses disciples à qui il écrivait, et selon les progrès qu'ils avaient faits dans la vertu et dans la pratique des bonnes oeuvres.
«Que la beauté du Seigneur notre Dieu se répande sur nous ; affermissez sur nous l'ouvrage de nos mains, et rendez stable et solide l'ouvrage de nos mains. » Nous lisons dans la version des Septante : « Que la lumière du Seigneur notre Dieu se répande sur nous; conduisez d'en-haut les ouvrages de nos mains, et que l'ouvrage de nos mains soit conduit par vous-même. » Où sont ceux qui, fiers de leur libre arbitre, font consister la grâce de Dieu dans le pouvoir qu'ils ont de faire ou de ne pas faire le bien ou le mal? Moïse avait conjuré Dieu de le ressusciter à une nouvelle vie; il lui avait dit : « Comblez-nous de votre miséricorde du matin, et nous passerons tous nos jours dans la joie et dans les actions de grâces; » mais il ne se contente pas d'être revêtu de la gloire de la résurrection et de se voir en possession d'une vie éternellement heureuse, il prie encore le Seigneur de faire éclater sa beauté sur ceux qui seront ressuscités, de répandre sa lumière dans les âmes et dans le coeur des saints, de conduire les ouvrages de leurs mains, de les rendre solides et éternels, et de conserver dans ses saints le bien qu'ils ont fait. Car comme Dieu accorde sa grâce à ceux qui le prient avec humilité, aussi en prive-t-il ceux qui le méprisent avec orgueil.
