XIII.
Les Égyptiens, les Chaldéens et les Grecs ont donc grandement erré en adorant ces dieux, en faisant leurs statues et en divinisant des idoles sourdes et privées de sens. Et je m’étonne que, voyant leurs dieux sciés et taillés par des ouvriers,1 se briser et tomber en ruine par le temps, se décomposer et se fondre, ils n’aient pas compris que ce ne sont pas des dieux. Puisqu’ils ne peuvent rien pour leur propre salut, comment auraient-ils souci des hommes? Mais leurs poètes et leurs philosophes, ceux des Chaldéens, des Grecs et des Égyptiens, voulant glorifier leurs dieux dans leurs poèmes et dans leurs ouvrages, ont bien davantage étalé et mis à nu leur honte devant nous. Si donc le corps de l’homme, étant composé de plusieurs parties, ne rejette aucun de ses propres membres, mais, ayant dans tous ses membres une unité indissoluble, est d’accord avec lui-même, comment y aurait-il dans la nature divine pareil combat et discorde? Si la nature divine est une, un dieu ne doit pas en persécuter un autre, ni le tuer, ni lui faire du mal. Si donc les dieux sont persécutés, tués; volés ou foudroyés par des dieux, il n’y s plus une nature, mais des pensées partagées et toutes malfaisantes, de sorte qu’aucun d’eux n’est dieu. Il est donc évident, ô Roi, qu’il y a une grande erreur dans cette explication des dieux.
Comment les sages et les savants d’entre les Grecs n’ont-ils pas compris que ceux qui font des lois sont jugés par leurs propres lois? Si donc les lois sont justes, leurs dieux sont tout à fait injustes en les transgressant, en commettant des meurtres, des sortilèges, des adultères, des vols, des crimes contre nature. Si au contraire ils ont ainsi bien agi, alors les lois sont injustes et en opposition avec les dieux. Or, les lois sont, bonnes et justes, louant la vertu et réprouvant le vice; les actions de leurs dieux en sont la transgression. Leurs dieux sont donc transgresseurs, et ceux qui ont adoré de tels dieux sont tous dignes de mort et impies. Si les récits qui les concernent sont fabuleux, ce ne sont que des mots; s’ils sont réels, ceux qui ont fait et souffert ces choses ne sont pas des dieux. Si ces histoires sont allégoriques, ce sont des fables et rien d’autre.
Il est maintenant évident, ô Roi, que tous ces objets de culte polythéiste sont des oeuvres d’erreur et de perdition. On ne peut appeler dieux ceux qu’on voit, mais qui ne voient pas. Mais il faut adorer le Dieu invisible qui voit toutes choses et qui a tout créé.
Voyez Épître à Diognète, II, 3, ↩
