IV.
Quelques philosophes du portique ne reconnaissent aucun Dieu, ou s'ils en reconnaissent un, c'est un être qui ne s'occupe d'autre chose que de lui-même. Tel est le sentiment absurde d'Epicure et de Chrysippe.
D'autres rapportent tout au hasard, prétendant que le monde est incréé et la nature éternelle ; ils ont osé dire qu'il n'y avait aucune Providence, et pas d'autre Dieu que la conscience de chaque homme.
D'autres encore ont regardé comme Dieu cet esprit qui pénètre la matière.
Quant à Platon et à ses sectateurs, ils reconnaissent, il est vrai, un Dieu incréé, père et créateur de toutes choses ; mais ils établissent en même temps deux principes incréés, Dieu et la matière qu'ils disent coéternels. Si ces deux principes sont également incréés, il s'en suit que Dieu n'a pas fait toutes choses et que sa domination n'est point absolue, comme le prétendent les platoniciens. D'ailleurs, si la matière était incréée comme Dieu, elle serait égale à lui et comme lui immuable, puisqu'il n'est lui-même immuable que parce qu'il est incréé ; car ce qui est créé est sujet au changement et aux vicissitudes, l'être incréé est le seul qui ne change pas. Où serait donc la puissance de Dieu, s'il eût créé le monde d'une matière déjà existante ? Donnez, en effet, à un de nos ouvriers la matière qui lui est nécessaire, et il fera tout ce que vous voudrez. La puissance de Dieu consiste à tirer du néant tout ce qu'il veut, et nul autre que lui ne peut donner le mouvement et l'être. L'homme, il est vrai, peut bien faire une statue, mais il ne peut donner à son ouvrage la raison, la respiration et le sentiment ; Dieu seul a cette puissance : et déjà, de ce côté, la puissance de Dieu surpasse celle de l'homme. Elle lui est encore bien supérieure sous un autre rapport, c'est qu'il tire et qu'il a tiré du néant tout ce qu'il a voulu et de la manière qu'il l'a voulu.
