5.
Mais afin que vous appreniez aussi des prophètes, qui à ce sujet s'expliquent clairement, afin que vous appreniez la vraie cause des maux qui vous accablent, écoutez ce que dit Isaïe, comment il annonce les grands avantages que tous les hommes retireront de la venue de Jésus-Christ, et les excès de votre ingratitude : Nous avons été guéris, dit-il, par ses blessures (Is. LIII, 5), annonçant par là le salut que la croix a procuré à tout le genre humain. Ensuite, pour faire voir qui nous sommes, il ajoute : Nous étions tous égarés comme des brebis errantes, chacun s'était détourné pour suivre sa propre voie. Et afin de moirer là manière dont le Fils de Dieu a été condamné au supplice, il s'exprime en ces termes : Il a été mené à la mort comme une brebis qu'on égorge; il est demeuré dans le silence sans ouvrir la bouche, comme un agneau muet devant celui qui le tond. Il est mort au milieu des humiliations , condamné injustement par les juges. (Is. LIII, 7.) Et où voit-on ces faits s'accomplir? dans le tribunal injuste de Pilate. Quoiqu'on rendît contre Jésus, dit l'Evangile, tous ces témoignages, il ne répondit rien. Le gouverneur lui adressant la parole : Entendez-vous, lui dit-il, tous les témoignages qu'ils rendent contre vous ? (Matth. XXVll, 43.) Il ne répondit rien et garda le si. lente. Aussi le Prophète inspiré d'en-haut disait : Il a été mené à la mort comme une brebis qu'on égorge; il est demeuré dans le silence sans ouvrir la bouche, comme un agneau muet devant celui qui le tond. Ensuite pour montrer l'injustice du tribunal qui le jugea, il ajoute: Il est mort au milieu des humiliations, injustement condamné par les juges. On ne prononça pas à son sujet selon les principes d'équité , mais ses juges reçurent contre lui tous les faux témoignages qu'on voulut rendre. Ce qui l'exposa à ces humiliations , c'est qu'il ne voulut pas se venger de ceux qui les lui faisaient subir; s'il eût voulu se venger, il eût tout ébranlé sans peine; et si, suspendu à la croix il a brisé les rochers , couvert le monde de ténèbres, détourné les rayons du soleil, amené sur toute la terre la nuit au milieu du jour, sans doute il eût pu opérer ces mêmes prodiges devant le tribunal; mais il ne l'a pas fait parce qu'il voulait signaler sa patience et sa douceur. C'est ce qui fait dire au Prophète : Il est mort au milieu des humiliations, condamné injustement par les juges.
Ensuite pour montrer que ce n'était pas un homme ordinaire, il ajoute : Qui racontera sa génération? Quel est celui, en effet, dont le même prophète dit : Sa vie a été retranchée de la terre des vivants? Ces paroles sont expliquées par ces autres de saint Paul: Notre vie a été cachée en Dieu avec Jésus-Christ; lorsque Jésus-Christ, qui est notre vie, paraîtra, alors vous paraîtrez vous-mêmes avec lui dans la gloire. (Colos. III, 3.) Mais afin de compléter la démonstration que j'ai annoncée que c'est à cause du Christ que les Juifs souffrent leurs maux actuels, il est temps d'appeler en témoignage le même Isaïe. Où s'explique, t-il donc sur cet objet? Après avoir parlé de l'injustice du tribunal qui a condamné le Fils de Dieu, et de sa douceur au milieu des souffrances, après avoir dit que sa vie a été retranchée de la terre des vivants, il ajoute : Je sacrifierai les méchants pour sa sépulture, et les riches pour venger sa mort. (Is. LIII, 9.) Il ne dit pas simplement les Juifs, mais les méchants. Eh ! que pourrait-on imaginer de plus méchant que des hommes qui ont crucifié Celui même dont ils avaient reçu tant de bienfaits? Si donc tout ce qui était prédit n'est pas arrivé réellement, si vous n'êtes pas aujourd'hui dégradés, dépouillés de tous vos anciens privilèges, si votre ville n'a pas été renversée, votre temple ruiné, si vos malheurs ne sont pas au-dessus des calamités les plus tragiques, n'ajoutez pas foi à mes paroles; mais si les faits mêmes parlent hautement, si les prophéties sont accomplies, pourquoi vous obstiner en vain et fermer les yeux à la vérité ? Où sont maintenant vos cérémonies augustes? où est votre souverain Pontife ? où est la robe d'hyacinthe, l'éphod et le rational ? Ne me parlez pas de, vos patriarches d'aujourd'hui, de ces vils marchands et trafiquants, de ces hommes remplis d'iniquité? Y a-t-il un prêtre, dites-moi, quand l'ancienne onction et toutes les autres cérémonies saintes n'existent plus ? y a-t-il un prêtre quand il n'y a ni sacrifice, ni autel, ni culte ? Voulez-vous que je vous parle des lois concernant le sacerdoce, que je vous dise comment les prêtres étaient consacrés anciennement, afin de vous apprendre que vos patriarches ne sont pas réellement des prêtres, que ce ne sont que des prêtres en peinture, de vrais prêtres de théâtre ? ou plutôt ils ne peuvent même représenter les prêtres véritables : tant ils sont loin non-seulement de la réalité, mais de la simple représentation !
Rappelez-vous donc comment Aaron a été consacré pontife; combien Moïse fit pour lui de sacrifices , combien il immola de victimes; comment il a touché avec le sang des victimes l'extrémité de son oreille, sa main droite et son pied droit; comment ensuite il l'a introduit dans le Saint des saints, où il l'a fait rester un certain nombre de jours. Mais il est à propos de rapporter les paroles mêmes de l'Ecriture. Voici quelle fut la consécration d'Aaron et de ses fils. Le Seigneur parla à Moïse et lui dit :
Prenez Aaron avec ses fils, leurs vêtements, l'huile d'onction, un jeune taureau pour le péché, un bélier, et assembles tout le peuple à l'entrée du tabernacle. Moïse assembla donc tout le peuple devant le tabernacle, et leur dit ce que le Seigneur avait commandé de faire. Lorsqu'il eut fait approcher Aaron et ses fils (car il faut abréger), il les lava avec de l'eau. Il revêtit le grand prêtre de la tunique de fin lin qu'il ceignit avec la ceinture; il le revêtit par-dessus de la robe d'hyacinthe, mit l'éphod sur la robe, et le serrant avec la ceinture y attacha le rational sur lequel étaient écrits ces mots : DOCTRINE ET VÉRITÉ. Il lui mit aussi la tiare sur la tête, et au bas de la tiare une lame d'or sur le front. Ensuite prenant l'huile d'onction, il en versa sur l'autel pour le sanctifier; il sanctifia avec cette même huile tous les vases, le grand bassin et la base qui le soutenait. Il répandit aussi l'huile sur la tête d'Aaron et de ses fils, et offrit le jeune taureau pour le péché. Aaron et ses fils ayant mis leurs mains sur la tête du jeune taureau, Moïse l'égorgea. Il prit du sang de la victime, dont il arrosa les cornes de l'autel, il purifia l'autel, et répandant au pied le reste du sang, il le sanctifia pour qu'il fût propre à rendre le Seigneur propice. Après avoir fait brûler une partie de la victime dans le camp et une autre partie hors du camp, il offrit aussi un bélier en holocauste. Il offrit un second bélier pour la consécration des prêtres. Aaron et ses fils ayant mis leurs mains sur la tête du bélier, il l'égorgea, et prenant du sang de la victime il en toucha l'extrémité de l'oreille droite d'Aaron, et le pouce de sa main droite et de son pied droit. Il fit la même chose aux enfants d'Aaron : il mit une partie de la victime entre les mains d'Aaron et de ses enfants, et l'o fait -ainsi au Seigneur. Ayant pris ensuite l'huile d'onction et le sang qui était sur l'autel, il fit l'aspersion sur Aaron et sur ses vêtements, sur les enfants d'Aaron et sur leurs vêtements. Il les sanctifia, et leur ordonna de faire cuire la chair des victimes devant la porte du tabernacle, et de la manger en ce même lieu. Vous ne quitterez point, leur dit-il, l'entrée du tabernacle pendant sept jours, jusqu'au jour où le temps de votre consécration sera accompli; car la consécration s'achève en sept jours. Vous exécuterez ce que je vous dis, afin que le Seigneur vous soit propice. (Lévit. VIII.)
Puis donc qu'il est dit dans l'Ecriture que, par toutes ces cérémonies, Aaron a été consacré, purifié, sanctifié, qu'il s'est rendu le Seigneur propice; puisqu'aucune de ces mêmes cérémonies n'a plus lieu maintenant, qu'il n'y a plus ni sacrifice, ni holocauste, ni aspersion de sang, ni onction d'huile, ni tabernacle, ni résidence dans le tabernacle un certain nombre de jours, n'est-il pas clair que le prêtre qu'ont maintenant les Juifs est irrégulier, impur, profane, qu'il irrite le Seigneur au lieu de le rendre propice? Oui, sans doute : s'il est vrai qu'il ne puisse être consacré que par les cérémonies rapportées dans l'Ecriture, il est de toute nécessité que, ces cérémonies ne se pratiquant plus, les Juifs n'ont plus de sacerdoce. N'avais-je donc pas raison de dire que leurs prêtres actuels sont fort loin, non-seulement de la réalité, mais de la simple représentation ?
