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Mais on peut apprendre encore d'ailleurs combien la dignité du sacerdoce était anciennement auguste chez les Juifs. Des hommes pervers, ennemis des règles et des lois, s'étant soulevés contre Aaron, et cherchant à le dépouiller du sacerdoce qu'ils lui disputaient, Moïse, le plus doux des hommes, qui voulait les convaincre par les faits mêmes qu'il n'avait pas élevé Aaron au sacerdoce parce qu'il était son parent et son frère, mais qu'il lui avait confié ce ministère vénérable par l'ordre de Dieu même, ordonna à chaque tribu d'apporter une verge, et en fit apporter une aussi par Aaron. (Nomb. XVII.) Lorsqu'elles furent apportées, il les prit toutes, et les ayant déposées dans le tabernacle, il ordonna au peuple d'attendre que Dieu déclarât sa volonté par le moyen des verges. Elles étaient toutes placées ensemble de la même manière, celle d'Aaron fut la seule qui produisit des feuilles et des fruits, afin que les Juifs apprissent que le Maître de la nature le nommait de nouveau, en se servant de feuilles au lieu de lettres; car le Dieu qui a dit au commencement : Que la terre produise toute sorte d'herbes (Gen. I, 11), et qui a mis en elle une fécondité inépuisable, le même Dieu donna alors à un bois sec et stérile la vertu de produire des feuilles et des fruits sans terre et sans racine. La verge d'Aaron est restée pour toujours comme une preuve et un témoignage de la perversité des séditieux et de la volonté du Seigneur, annonçant aux Juifs non par une voix sensible, mais par la vue d'un miracle plus éclatant que le son de la trompette, de ne plus former de pareilles entreprises.
Le Seigneur confirma l'élection d'Aaron d'une manière encore plus frappante. Un grand nombre de séditieux lui enviant l'honneur du sacerdoce et voulant le lui ravir (car l'autorité n'est que trop sujette à être un objet d'envie et de dispute), Moïse leur ordonna d'apporter des encensoirs, d'y mettre de l'encens , et d'attendre le jugement d'en-haut. Lorsqu'il faisait brûler de l'encens, la terre s'entr'ouvrit et engloutit tous les fauteurs de la sédition : quant à ceux qui avaient pris des encensoirs, ils furent consumés par une flamme envoyée du ciel; et afin que le temps ne fît pas perdre le souvenir de ce fait remarquable, afin qu'un monument visible transmît à tous les âges la vengeance extraordinaire que Dieu avait tirée des chefs et des partisans de la révolte, Moïse se fit apporter les encensoirs, les fit réduire en lames et appliquer près de l'autel, afin que, comme la verge d'Aaron parlait suffisamment aux yeux sans faire retentir de sons à l'oreille, ces lames de même fussent une instruction perpétuelle pour tous les descendants, une leçon frappante et sensible qui leur apprit à ne pas imiter une pareille imprudence, s'ils voulaient éviter un châtiment semblable. Vous voyez comme anciennement les prêtres étaient élus. Ce qui se pratique aujourd'hui chez les Juifs est un jeu, une risée, une honte, un trafic criminel, un pur acte d'iniquité.
Et vous recherchez, mes frères, de tels hommes; des hommes qui, dans tous leurs discours et dans toutes leurs actions, contredisent les lois de Dieu ! Vous courez à leurs synagogues vous ne craignez pas que la foudre, partie du ciel, ne vienne consumer vos têtes ! Ignorez-vous donc que quiconque est trouvé dans un antre de brigands, quoiqu'il ne soit pas brigand lui-même, subit la même peine ? Et pourquoi citer l'exemple des brigands? Vous savez tous, sans doute, que dans notre ville, lorsque des scélérats et des imposteurs renversèrent les statues des princes, vous savez et vous vous rappelez que non-seulement les principaux auteurs de l'attentat, que ceux mêmes qui avaient semblé l'autoriser par leur présence furent pris, amenés devant les tribunaux, jetés en prison, et condamnés au dernier supplice. Et vous, vous courez avec empressement à des assemblées où le Père céleste est outragé, où son Fils est blasphémé, où l'Esprit saint et vivifiant est rejeté ! Et vous n'appréhendez pas, et vous ne tremblez pas lorsque vous vous transportez dans des lieux impurs et profanes ! Quelle défense, je vous prie, quelle excuse vous restera-t-il, lorsque vous vous jetez volontairement dans un abîme et dans un précipice ?
Et n'allez pas me dire que dans le -lieu où vous vous transportez sont la loi et les livres des prophètes, car cela ne suffit pas pour rendre un lieu saint. En effet, lequel est plus efficace d'avoir des livres déposés dans un lieu, ou de prononcer les paroles renfermées dans des livres ? Il est clair que c'est de prononcer de bouche et d'avoir dans le coeur les paroles des livres. Mais je vous le demande, lorsque le démon prononçait les paroles des Ecritures, ces paroles sanctifiaient-elles sa bouche? Non, sans doute ; mais il conservait toujours sa nature de démon. Et lorsque des esprits impurs publiaient et disaient : Ces hommes sont les serviteurs du Très-Haut, ils vous annoncent la voie du salut (Act. XVI, 17.) Etait-ce une raison pour les placer parmi les Apôtres ? Point du tout; mais on les a toujours également en horreur et en exécration. Et lorsque les paroles ne sanctifient pas la bouche qui les prononce , des livres sanctifieraient le lieu où ils reposent! Serait-il raisonnable de le penser ? Pour moi , je hais surtout la synagogue, parce qu'elle a la Loi et les Prophètes, et je la hais beaucoup plus que si elle ne les avait pas. Pourquoi? Parce que c'est là une amorce plus dangereuse et un moyen plus sûr de tromper les simples. Aussi saint Paul était plus empressé de chasser un démon parce qu'il parlait que s'il se fût tu. Fatigué de ses paroles, dit l'Ecriture, il lui dit : Sors de cette personne. (Act. XVI, 18.) Et pourquoi lui donnait-il cet ordre? Parce qu'il criait : Ces hommes sont les serviteurs du Très-Haut. Le silence l'eût moins bien servi pour tromper les simples ; au lieu qu'en parlant, il devait en entraîner un grand nombre et les engager à l'écouter dans d'autres suggestions; afin d'ouvrir une porte à ses impostures, et de pouvoir mentir avec plus de confiance, le démon mêlait quelques vérités à ses mensonges. Ainsi ceux qui veulent faire prendre du poison, frottent de miel les bords de la coupe, afin qu'on avale plus aisément le breuvage funeste. Voilà donc pourquoi saint Paul, fatigué des paroles de l'esprit impur, s'empressait de lui fermer la bouche, ne pouvant souffrir qu'il prît un ton de dignité qui ne lui convenait pas. Moi de même je hais les Juifs, parce qu'ayant la loi entre les mains ils l'outragent, et que par là ils cherchent à séduire les simples. Ils ne seraient pas aussi coupables si, ne croyant pas aux prophètes, ils refusaient de croire à Jésus-Christ; mais ils n'ont aucun espoir de pardon, parce qu'en disant qu'ils croient aux prophètes, ils outragent celui que les prophètes ont annoncé.
