7.
En un mot, si vous croyez qu'un lieu est saint parce que la loi et les livres des prophètes y reposent, vous devez donc aussi regarder comme saints les idoles et leurs temples. Dans une guerre que les Juifs eurent avec les habitants d'Azot, ceux-ci étant vainqueurs et ayant pris l'arche, la placèrent dans leur temple. Or, ce temple était-il sanctifié parce qu'il renfermait l'arche ? Nullement; mais il était toujours impur et profane ; et c'est ce qui fut prouvé aussitôt par l'événement même. En effet, pour que les ennemis sussent que ce n'était point par la faiblesse du Seigneur, mais par les crimes de son peuple, qu'Israël avait essuyé une défaite, l'arche, quoique prise et détenue dans une terre étrangère, signala sa puissance en renversant deux fois l'idole et la brisant par morceaux; de sorte qu'elle faisait la guerre au lieu où elle résidait, loin de le sanctifier. D'ailleurs, quelle arche peuvent avoir les Juifs, lorsqu'ils n'ont plus ni propitiatoire, ni oracle, ni table du testament, ni Saint des saints, ni voile, ni grand prêtre, ni encens, ni holocauste, ni sacrifice, rien en un mot de tout ce qui rendait l'ancienne arche respectable. Pour moi, il me semble que l'arche actuelle des Juifs ne vaut pas mieux que ces coffres que l'on vend dans la place publique, et même qu'elle vaut beaucoup moins, puisque ces coffres ne font aucun mal à ceux qui les touchent ; au lieu que leur arche porte tous les jours préjudice à ceux qui l'approchent.
Mes frères, puis-je vous dire avec saint Paul, soyez enfants par la simplicité du coeur, et non par le défaut d'intelligence (I. Cor. XIV, 20) ; affranchissez d'une vaine superstition ceux qui sont frappés par certains objets, et apprenez-leur ce qu'ils doivent redouter et craindre. Qu'ils ne redoutent pas l'arche des Juifs, mais qu'ils craignent de violer le temple de Dieu par leur empressement à se rendre dans leurs assemblées, par un penchant secret pour le judaïsme, et par des observances condamnables. Tous ceux, dit l'Apôtre, qui veulent être justifiés par la Loi, perdent la grâce du Nouveau Testament. (Gal. V, 4.) Craignez que dans le dernier jour Celui qui doit vous juger ne vous dise: Retirez-vous, je ne vous connais pas. (Luc, XIII, 27.) Vous avez communiqué avec ceux qui m'ont crucifié, vous vous êtes empressés de rétablir des fêtes que j'avais abolies, vous avez couru aux synagogues des Juifs qui m'ont outragé. J'avais renversé leur temple, j'avais fait un amas de ruines de cet édifice auguste qui renfermait des objets si redoutables; et vous, vous avez respecté des cavernes de voleurs, des maisons aussi viles que des cavernes. Eh ! si lorsque l'arche et les chérubins subsistaient encore, lorsque le temple était encore sanctifié par la grâce de l'Esprit-Saint, Jésus-Christ disait : Vous en avez fait une caverne de voleurs, vous en avez fait une maison de trafic (Matth. XXI, 13), sans doute à cause des crimes et des meurtres dont se souillaient les Juifs, maintenant que la grâce de l'Esprit-Saint les a abandonnés, qu'ils ne jouissent plus de leurs privilèges, et que, les sacrifices agréables à Dieu étant abolis, ils ne lui rendent plus qu'un culte sacrilège, quel nom convenable donner à leurs synagogues? Oui, si, avant la réprobation des Juifs, leur temple était déjà une caverne de voleurs, en appelant le lieu de leurs assemblées actuelles, un lieu de prostitution, un domicile d'iniquité, la retraite et l'asile des démons, un séjour funeste aux âmes , un précipice fatal, un gouffre et un abîme de perdition, enfin quelque nom encore plus affreux qu'on lui donne, on né lui donnera pas celui qu'il mérite. Vous voulez voir un temple: ne courez pas à la synagogue, mais devenez vous-même un temple. Dieu n'a détruit qu'un temple à Jérusalem, et il en a érigé une infinité d'autres beaucoup plus augustes, car vous êtes, dit saint Paul, les temples du Dieu vivant. (II Cor. VI, 16.) Décorez cette maison, chassez de votre esprit toute mauvaise pensée, pour devenir un membre précieux de Jésus-Christ, et le temple de l'Esprit-Saint ; faites en sorte que beaucoup d'autres deviennent tels à votre exemple. Et de même que, quand vous voyez des pauvres, vous vous faites un devoir de ne point passer outre; ainsi, lorsque vous apercevez un fidèle qui court à la synagogue, ne le laissez pas aller, mais arrêtez-le par vos discours comme par un frein et ramenez-le dans l'église. C'est là la plus belle de toutes les aumônes, c'est là vraiment faire un gain de plus de dix mille talents. Que dis-je, dix mille talents? vous gagnez plus que si vous gagniez tout ce monde visible, puisqu'un homme est plus précieux que le monde entier. C'est pour lui qu'ont été faits le ciel, la terre et les mers; c'est pour lui qu'ont été créés le soleil et les astres. Songez donc à la dignité de celui que vous sauvez, ne dédaignez pas le soin de son âme. Quand on sacrifierait des sommes immenses d'argent, on ne ferait pas une aussi bonne oeuvre que de sauver une âme, de la ramener de son erreur, et de la tourner vers la piété. Celui qui donne à un pauvre apaise sa faim, celui qui corrige un judaïsant chasse l'impiété qui le souille. L'un soulage l'indigence, l'autre arrête le crime; l'un délivre un corps de ses douleurs, l'autre arrache une âme à l'enfer. Je vous ai montré un trésor, ne le négligez pas. Vous ne pouvez vous rejeter ici sur la pauvreté, ni prétexter l'indigence. Il ne s'agit que d'employer des mots et de dépenser des paroles. Ne balançons donc point, mais efforçons-nous avec toute l'ardeur et tout le zèle dont nous sommes capables de gagner nos frères; entraînons-les malgré eux dans nos maisons, servons-leur un repas et admettons-les aujourd'hui à notre table, et que, rompant le jeûne sous nos yeux, ils nous donnent une preuve complète et la certitude qu'ils sont parfaitement corrigés, afin qu'ils se procurent à eux et à nous les biens éternels, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui et avec qui la gloire soit au Père et à l'Esprit-Saint, maintenant et toujours, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
