Edition
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De carne Christi
VI
[1] Sed quidam iam discentes Pontici illius, supra magistrum sapere compulsi, concedunt Christo carnis veritatem, sine praeiudicio tamen renuendae nativitatis: 'Habuerit, inquiunt, carnem, dum omnino non natam.' pervenimus igitur de calcaria quod dici solet in carbonariam, a Marcione ad Apellen, qui posteaquam a disciplina Marcionis in mulierem carne lapsus et dehinc in virginem Philumenen spiritu eversus est, solidum Christi corpus sed sine nativitate suscepit ab ea praedicare. [2] et angelo quidem illi Philumenes eadem voce apostolus respondebit qua ipsum illum iam tunc praecinebat dicens. Etiamsi angelus de caelis aliter evangelizaverit vobis quam nos evangelizavimus, anathema sit: his vero quae insuper argumentantur, nos resistemus. [3] confitentur vere corpus habuisse Christum. unde materia si non ex ea qualitate in qua videbatur? unde corpus si non caro corpus? unde caro si non nata? quia nasci haberet, ea futura quae nascitur. De sideribus, inquiunt, et de substantiis superioris mundi mutuatus est carnem: et utique proponunt non esse mirandum corpus sine nativitate, cum et apud nos angelis licuerit nulla uteri opera in carne processisse. [4] agnoscimus quidem ita relatum: sed tamen quale est ut alterius regulae fides ab ea fide quam impugnat instrumentum argumentationibus suis mutuetur? quid illi cum Moyse qui deum Moysi reicit? si alius deus est, aliter sint res eius. sed utantur haeretici omnes scripturis eius cuius utuntur etiam mundo--erit illis hoc quoque in testimonium iudicii quod de exemplis ipsius blasphemias suas instruunt--facile est veritati etiam nihil tale adversus eos praescribenti obtinere. [5] igitur qui carnem Christi ad exemplum proponunt angelorum, non natam dicentes licet carnem, comparent velim et causas tam Christi quam et angelorum ob quas in carne processerint. nullus unquam angelus ideo descendit ut crucifigeretur, ut mortem experiretur, ut a morte suscitaretur. si nunquam eiusmodi fuit causa angelorum corporandorum, habes causam cur non nascendo acceperint carnem: non venerant mori, ideo nec nasci. [6] at vero Christus mori missus nasci quoque necessario habuit ut mori posset. non enim mori solet nisi quod nascitur: mutuum debitum est nativitati cum mortalitate: forma moriendi causa nascendi est. [7] si propter id quod moritur mortuus est Christus, id autem moritur quod et nascitur, consequens erat, immo praecedens, ut aeque nasceretur propter id quod nascitur, quia propter id ipsum mori habebat quod quia nascitur moritur: non competebat non nasci pro quo mori competebat. atquin tunc quoque inter angelos illos ipse dominus apparuit Abrahae sine nativitate, cum carne scilicet, pro eadem causae diversitate: [8] sed vos hoc non recipitis, non eum Christum recipientes qui iam tunc et adloqui et liberare et iudicare humanum genus ediscebat in carnis habitu, non natae adhuc quia nondum moriturae nisi prius et nativitas eius et mortalitas annuntiarentur. igitur probent angelos illos carnem de sideribus concepisse: [9] si non probant, quia nec scriptum est, nec Christi caro inde erit, cui angelorum accommodant exemplum. constat angelos carnem non propriam gestasse utpote natura substantiae spiritalis--etsi corporis alicuius, sui tamen generis--in carnem autem humanam transfigurabiles ad tempus videri et congredi cum hominibus posse. [10] igitur cum relatum non sit unde sumpserint carnem, relinquitur intellectui nostro non dubitare hoc esse proprium angelicae potestatis, ex nulla materia corpus sibi sumere. Quanto magis, inquis, ex aliqua. certum est: sed nihil de hoc constat, quia scriptura non exhibet. [11] ceterum qui valent facere semetipsos quod natura non sunt, cur non valeant ex nulla substantia facere? si fiunt quod non sunt, cur non ex eo fiant quod non est? quod autem non est, cum fit, ex nihilo est. propterea nec requiritur nec ostenditur quid postea factum sit corporibus illorum: quod de nihilo fuit, nihil factum est. possunt nihil ipsum convertere in carnem qui semetipsos potuerunt convertere in carnem: plus est naturam demutare quam facere materiam. [12] sed et si de materia necesse fuit angelos sumpsisse carnem, credibilius utique est de terrena materia quam de ullo genere caelestium substantiarum, cum adeo terrenae qualitatis extiterit ut terrenis pabulis pasta sit. fuerit: sit nunc quoque siderea eodem modo terrenis pabulis pasta quando terrena non esset, quo terrena caelestibus pasta est quando caelestis non esset--legimus enim manna esui populo fuisse: Panem, inquit, angelorum edit homo--non tamen infringitur semel separata condicio dominicae carnis ex causa alterius dispositionis. [13] homo vere futurus usque ad mortem, eam carnem oportebat indueret cuius et mors: eam porro carnem cuius est mors nativitas antecedit.
Übersetzung
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De la chair de Jesus-Christ
VI.
Mais quelques disciples de l'habitant du Pont, |399 forcés d'être plus habiles que leur maître, accordent à Jésus-Christ une chair véritable, tout en lui refusant une naissance réelle. Qu'il ait eu, disent-ils, un corps de chair, pourvu que ce corps ne soit pas né. Nous voilà donc tombés de mal en pire, comme s'exprime le proverbe, de Marcion nous voilà parvenus jusqu'au transfuge de Marcion, Apelles, qui, après s'être laissé corrompre dans sa chair par une femme, se laissa troubler ensuite l'esprit par la vierge Philumène, de laquelle il apprit à prêcher que le corps de Jésus-Christ était un corps véritable, mais un corps sans naissance. Certes, à cet ange de Philumène, l'Apôtre répondra par les mêmes paroles qui dans sa bouche l'annonçaient prophétiquement: « Quand même un ange descendrait du ciel pour vous apporter un autre Evangile que le nôtre, qu'il soit anathème! »
Mais nous avons maintenant à combattre les arguments développés plus haut. Ils avouent que Jésus-Christ a eu véritablement un corps. Mais d'où en vient la matière, sinon de la qualité visible dans lui? D'où vient le corps, si le corps n'est pas de chair? D'où vient la chair, si elle n'est pas née, puisque cette chair, qui ne se voit pas encore, n'existe que par la naissance?
---- «Le Christ, disent-ils, a emprunté sa chair aux astres et aux substances du monde supérieur. De là, il ne faut pas s'étonner, ajoutent-ils, qu'un corps ne soit pas né, puisque les anges, selon nous, ont pu se montrer avec une chair qui n'a pas été formée dans le sein de la femme. »
---- Le fait est ainsi rapporté, nous le reconnaissons. Mais par quel étrange renversement d'idées une foi différente peut-elle emprunter une autorité pour ses arguments à une foi qu'elle combat? Qu'a de commun avec Moïse celui qui rejette le Dieu de Moïse? Si le Dieu de Moïse est différent, qu'on lui laisse ses règles et ses preuves! Que les hérétiques, autant qu'ils sont, appellent à leur secours les Ecritures de ce même Dieu qui a fait le |400 monde dont ils jouissent. En lui dérobant ses exemples pour autoriser leurs blasphèmes, ils élèveront ainsi contre eux-mêmes un témoignage qui les condamnera; mais il est facile à la vérité de les vaincre, sans même employer cette arme contre eux. Je somme donc ceux qui soutiennent que la chair de Jésus-Christ est semblable à celle des anges, véritable, quoiqu'elle ne provienne pas d'une naissance, de comparer entre elles les causes pour lesquelles le Christ et les anges se sont manifestés dans la chair. Jamais aucun ange n'est descendu sur la terre pour y être crucifié, pour y subir la mort, pour y ressusciter après l'avoir subie. Si jamais les anges n'ont eu de semblables motifs pour revêtir des corps, tu comprends pourquoi ils n'ont pas révolu la chair par les voies de la naissance. Ne venant pas pour mourir, ils n'avaient pas besoin de naître. Mais le Christ, envoyé pour mourir, dut nécessairement aussi naître afin de mourir. Ce qui naît est seul sujet à la mort. La naissance et la mort contractent une sorte d'engagement réciproque: la condition de la mort est la cause de la naissance.
Si le Christ est mort pour ce qui meurt, et que ce qui naît soit ce qui meurt, il en résulte, ou plutôt c'est un principe qui précède tous les autres, qu'il a dû naître également à cause de ce qui naît, puisqu'il avait à mourir à cause de ce qui meurt par la loi de sa naissance. Il n'était point convenable qu'il ne naquît pas dans une chair pour laquelle il était convenable qu'il mourût.
Il y a plus. Notre-Seigneur lui-même apparut à Abraham au milieu des anges, avec une chair qui n'était point le résultat de la naissance, toujours en vertu de la différence des motifs. Mais vous n'admettez pas ce témoignage, parce que vous ne reconnaissez point Jesus-Christ, qui déjà apprenait à instruire, à délivrer, à juger le genre humain, dans une chair qui n'était pas encore née, parce qu'elle ne devait pas mourir, avant que sa naissance et sa mort fussent annoncées. Qu'on nous prouve donc que ces |401 anges ont emprunté aux astres leur chair. S'il est. impossible de le prouver parce que cela n'est point écrit, la chair du Christ, contre laquelle on se prévalait de l'exemple des anges, n'en viendra point non plus. Il est certain que les anges revêtaient une chair qui ne leur était pas propre, puisque ce sont des substances spirituelles qui, si elles ont un corps, n'ont qu'un corps d'une espèce particulière. Toutefois ils peuvent, par leur transfiguration en chair humaine, se montrer pour un temps et converser avec les hommes. Puisque l'Ecriture ne dit pas d'où ils ont pris leur chair, il nous reste à croire fermement que le caractère distinctif de la puissance angélique, c'est de revêtir un corps sans le secours d'aucune matière.
---- A plus forte raison, me dis-tu, à l'aide de quelque matière. ---- Cela est vrai; mais là-dessus, rien de positif, parce que l'Ecriture ne s'explique pas. D'ailleurs, pourquoi ceux qui peuvent se faire eux-mêmes ce qu'ils ne sont pas par nature, ne pourraient-ils pas se rendre tels sans le secours d'aucune matière? S'ils deviennent ce qu'ils ne sont pas, pourquoi ne le deviendraient-ils pas de ce qui n'existe point? Quand un être qui n'existait pas commence d'exister, il est tiré du néant. Voilà pourquoi il ne faut ni demander, ni montrer ce qui advient ensuite du corps des anges. Tiré du néant, il est rentré dans le néant. A vrai dire, ceux qui oui pu se transformer eux-mêmes en chair, peuvent aussi convertir le néant en chair: c'est un plus grand acte de puissance de changer la nature que de créer la matière.
Mais s'il fallait croire que les anges eussent emprunté leur chair à quelque matière, il serait plus raisonnable de penser que c'est à une matière terrestre plutôt qu'à tout autre substance céleste, puisque leur chair était si bien terrestre qu'elle se nourrissait de nos aliments terrestres. Enfin, que cette chair ait été tirée des astres, je le veux bien; qu'elle se soit nourrie de nos aliments terrestres, sans être terrestre, à peu près comme la substance |402 terrestre s'est nourrie d'aliments célestes, sans être céleste (car nous lisons que la manne descendait pour le peuple: « L'homme a mangé le pain des anges, » est-il dit), toutefois cette concession ne détruirait pas même la différence de la chair de Noire-Seigneur, par la raison qu'elle avait une autre destination. Comme il devait être homme véritable jusqu'à la mort, il fallait qu'il revêtit cette même chair dont le partage est de mourir: or la naissance précède cette chair dont la mort est le partage.