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De Exhortatione Castitatis
III.
[1] Quae enim in manifesto, scimus omnes, eaque ipsa qualiter in manifesto sint perspiciendum est. Nam etsi quaedam uidentur uoluntatem dei sapere, dum ab eo permittuntur, non statim omne quod permittitur ex mera et tota uoluntate procedit eius qui permittit. [2] Ex indulgentia est quodcumque permittitur. Quae etsi sine uoluntate non est, quia tamen aliquam habet causam in illo cui indulgetur, quasi de inuita uenit uoluntate, passa causam sui quae cogit uoluntatem. Vide qualis sit uoluntas cuius alter est causa. [3] Secunda item species consideranda est, purae uoluntatis. Vult nos deus agere quaedam placita sibi, in quibus non indulgentia patrocinatur, sed disciplina dominatur. Si tamen alia istis praeposuit, utique quae magis uult, dubiumne est ea nobis sectanda esse quae mauult, cum quae minus uult, quia alia magis uult, perinde habenda sunt atque si nolit? [4] Nam ostendens quid magis uelit, minorem uoluntatem maiore deleuit, quantoque notitiae tuae utramque proposuit, tanto definiit id te sectari debere quod declarauit se magis uelle. Ergo si ideo declarauit, ut id secteris quod magis uult, sine dubio, nisi ita facis, contra uoluntatem eius sapis, sapiendo contra potiorem eius uoluntatem, magisque offendis quam promereris, quod uult quidem faciendo et quod mauult respuendo. [5] Ex parte delinquis; ex parte, si non delinquis, non tamen promereris. Non porro et promereri nolle delinquere est? Secundum igitur matrimonium si ex illa dei uoluntate quae indulgentia uocatur, negabimus meram uoluntatem cui indulgentia est causa, si ex ea cui potior alia praeponitur continentiae magis appetendae, didicerimus non potiorem a potiore rescindi. [6] Haec praestruxerim, ut iam apostoli uoces decurram. In primis autem non uidebor inreligiosus, si quod ipse profitetur animaduertam, omnem illum indulgentiam nuptiarum de suo, id est de humano sensu, non de diuino praescripto induxisse. Nam et cum de uiduis et innuptis definiit uti nubant, si continere non possunt, quia melius sit nubere quam uri, conuersus ad alteram speciem: Nuptis autem denuntio, inquit, non quidem ego, sed dominus. Ita ostendit ex translatione personae suae in dominum id quod supra dixerat non ex domini persona, sed ex sua pronuntiasse: Melius est nubere quam uri. [7] Quae uox licet ad eos pertineat qui innupti uel uidui a fide deprehenduntur, quia tamen omnes eam ad nubendi licentiam amplectuntur, uelim retractare quale bonum ostendat quod melius est poena, quod non potest uideri bonum nisi pessimo comparatum, ut ideo bonum sit nubere, quia deterius sit ardere. [8] Bonum ita est, si perseueret nomen obtinens sine comparatione, non dico mali, sed etiam boni alterius, ut, etsi bono alii comparatur et alio adumbratur, nihilominus remaneat in boni nomine. Ceterum si per mali collationem cogitur bonum dici, non tam bonum est quam genus mali inferioris, quod a superiore malo obscuratum ad nomen boni impellitur. [9] Aufer denique condicionem comparationis, ut non dicas: Melius est nubere quam uri, et quaero an dicere audeas: Melius est nubere, non adiciens quid sit id quo melius est. Ergo quod non melius, utique nec bonum, quia abstulisti et remouisti condicionem comparationis, quae dum melius illud facit, ita bonum haberi cogit. [10] Melius est nubere quam uri sic accipiendum est, quomodo melius est uno oculo quam duobus carere: si tamen a comparatione discedas, non erit melius unum oculum habere quia nec bonum. Nemo igitur captet ex hoc capitulo defensionem, quod proprie ad innuptos et uiduos spectat, quibus nulla adhuc coniunctio numeratur. Quamquam ostenderim etiam illis intellegendam esse permissi condicionem.
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Exhortation à la chasteté
III.
Puisque nous sommes libres de vouloir ou de ne pas vouloir, et que nous prouvons noire soumission à Dieu, en voulant ce qui s'accorde avec sa volonté, je soutiens qu'il faut étudier avec un soin tout religieux quelle est la volonté de Dieu, manifeste ou secrète. Ce qu'il veut manifestement, nous le savons tous: il n'en faut pas moins; examiner comment cette volonté même se manifeste. Il est des choses qui, au premier aspect, semblent s'accorder avec la volonté de Dieu, parce qu'il les permet; mais ce qui n'est que permis n'indique pas toujours la pure et absolue volonté de celui qui permet. Une permission dérive de la condescendance: sans doute, elle ne se donne pas sans une certaine participation de la volonté; mais comme elle est fondée sur une cause particulière à celui qui est l'objet de cette condescendance, elle vient d'une volonté influencée et presque contrainte. Je te le demande, qu'est-ce qu'une volonté dont un autre est la cause?
De même, il faut considérer le second cas où la volonté divine n'est plus tout-à-fait elle-même. Dieu veut que nous fassions certaines choses qui lui sont agréables, où l'indulgence se cache, pour ne laisser parler que le précepte. Toutefois s'il a préféré une chose à une autre, une chose qu'il veut davantage par conséquent, n'est-il pas évident que nous devons suivre ce qu'il préfère, puisque ce qu'il permet vis-à-vis de ce qu'il aime mieux, doit être regarde comme s'il ne le voulait pas? Car en montrant ce qu'il préfère, il a détruit une volonté moindre par une volonté supérieure: plus il a manifesté l'une et l'autre à ta connaissance, plus il l'a imposé l'obligation d'embrasser le parti qu'il t'a prouvé lui plaire davantage. Donc, s'il t'a, clairement indiqué de suivre le parti qu'il veut le plus, il n'en faut point douter, ne pas le suivre, c'est aller contre sa volonté, en choisissant contrairement à ce qu'il préfère; c'est l'offenser plus que te le rendre favorable, puisque, tout en faisant ce qu'il veut, tu dédaignes ce qu'il aime mieux. D'un côté, tu pèches; de l'autre, si tu ne pèches pas, au moins ne mérites-tu pas l'amitié de Dieu. Or, se refuser à l'amitié de Dieu, c'est pécher.
Si donc le second mariage provient seulement de cette volonté qui est appelée indulgence, nous soutenons, nous, qu'une volonté qui a pour cause l'indulgence, n'est pas la pure volonté de Dieu, puisque, provenant de celle qui préfère quelque chose de mieux, et recommande la continence, il est évident qu'une chose meilleure ne peut être préférée à une chose meilleure.
J'ai posé ces principes, afin d'examiner maintenant les paroles de l'Apôtre. Avant tout, qu'on ne m'accuse point d'être peu respectueux envers lui, si je remarque, ce qu'il déclare lui-même, que cette indulgence qu'il témoigne pour les secondes noces, vient de son propre fonds, c'est-à-dire de la raison humaine, et non de la prescription divine. En effet, après avoir dit aux personnes veuves ou libres: «Mariez-vous, si vous ne pouvez garder la continence; car il vaut mieux se marier que de brûler;» il aborde aussitôt la seconde catégorie: «Pour celles qui sont dans le mariage, dit-il, ce n'est pas moi, mais le Seigneur qui leur fait ce commandement.» En s'effaçant, lui-même pour laisser parler le Seigneur, il indiquait suffisamment que ce qu'il avait dit plus haut: «Il vaut mieux se marier que de brûler,» il l'avait dit d'après lui-même, et non pas au nom du Seigneur. Quoique cette parole regarde ceux que la foi trouve dans le célibat ou dans 1e veuvage, toutefois, comme on s'en autorise communément pour se marier, examinons quel est ce bien qui vaut mieux qu'un châtiment, et qui ne peut paraître bon que comparé à ce qu'il y a de pire, de sorte que le mariage n'est bon que parce que brûler est quelque chose de pire. Or, le bien, c'est ce qui continue à mériter ce nom, sans qu'il soit, besoin de le comparer, je ne dis point à un mal, mais à tout autre bien, tellement que, comparé à un autre bien, ou éclipsé par lui, il n'en demeure pas moins ce qu'il est. D'ailleurs, si une chose n'est déclarée bonne que par comparaison avec un mal, je la tiens moins pour une chose bonne que pour un mal inférieur qui, obscurci par quelque mal plus grand, est décoré du nom de bien. Enfin, supprime le terme de la comparaison, et ne dis plus: «Il vaut mieux se marier que de brûler,» je te le demande, pourras-tu dire encore: «Il vaut mieux se marier,» sans ajouter quel est ce quelque chose de meilleur? Tu ne peux donc appeler bon conséquemment ce que tu ne peux appeler meilleur, parce que tu as écarté un terme de la comparaison, laquelle, en déclarant le mariage meilleur, le fait passer ainsi pour un bien: «Il vaut mieux se marier que de brûler.» Cette parole doit être prise dans ce sens: Il vaut mieux être privé d'un œil que d'en perdre deux. Supprime la comparaison. Tu ne pourras dire: Il est meilleur d'avoir un seul œil, parce que tu ne peux pas dire: Cela est bon. Qu'on ne cherche donc pas à s'autoriser de ce chapitre qui d'ailleurs ne regarde que les personnes veuves ou non encore engagées dans le mariage, quoique celles-ci doivent bien comprendre la nature de la permission qui leur est donnée, ainsi que je le leur montrerai.