23.
Ce matin donc, étant rentré seul, car chacun d'eux était sorti pour le même motif, il s'approcha de mon lit. Franchement, dit-il, il en sera de nous ce que tu voudras; dis-moi ce que tu penses de moi ? Prenant alors la main de ce jeune homme : Ce que je pense de toi, lui dis-je, tu le sens, tu le crois, tu le comprends. Ce n'est pas en vain, je le pense, que tu as demandé si longtemps, hier, au Dieu des vertus qu'il se fasse voir à tous, et te convertisse. Se rappelant alors ces paroles, avec étonnement : Ce que tu dis est aussi important que vrai, me répondit-il ; et je ne suis pas médiocrement ému en me rappelant que j'avais dernièrement tant de peine à renoncer aux frivolités de mon poème, tandis qu'aujourd'hui je ne puis y revenir qu'avec honte et dégoût, tant je suis porté tout entier aux choses grandes et admirables. N'est-ce point une véritable conversion à Dieu ? Je me félicite d'avoir rejeté le scrupule de fredonner ainsi dans un lieu semblable. Cela ne me déplaît pas non plus, répondis-je, et selon moi, l'ordre demande que nous en disions quelque chose. Car je vois qu'à ce chant convenaient et le lieu, dont ma mère s'est offensée, et la nuit même. De quels objets penses-tu que nous demandions à Dieu de nous détourner, pour nous convertir à lui et nous montrer sa face? N'est-ce pas des souillures du corps et de l'âme, ainsi que des ténèbres dont l'erreur nous a enveloppés? Se convertir, est-ce autre chose que s'élever en soi-même par la vertu et la tempérance au-dessus des excès du vice ? Qu'est-ce que la face de Dieu sinon la vérité à- laquelle nous aspirons, et pour l'amour de laquelle nous nous purifions, nous nous parons? Impossible de mieux dire, s'écria-t-il. Puis, baissant la voix, et comme à l'oreille : Vois, je te prie, comme tout se presse pour me faire croire que pour nous, il se fait quelque chose d'après un ordre plus heureux.
