20.
En commençant ce livre j'ai constaté que j'avais un double devoir et j'ai pris le double engagement d'instruire et d'exhorter. Quant au premier je crois l'avoir accompli dans la mesure de mes forces. J'arrive donc à l'exhortation et je veux faire aimer ardemment ce qui a été sagement reconnu comme bon.
Avant tout, rapportez à Dieu toute l'affection dont vous vous sentez éprise pour la sainte continence ; rendez en grâces à Celui qui a répandu dans votre coeur une si grande abondance de son esprit et de sa charité, que, dédaignant un second mariage qui vous était permis, vous avez aspiré à un bien supérieur, à la continence. En vous permettant le mariage, Dieu vous en a ôté le désir, au point que ce qui vous était permis vous est maintenant interdit; et pour ce mariage que vous vous êtes interdit, il vous a. accordé un éloignement d'autant plus prononcé aujourd'hui, que vous ne vous l'êtes pas permis quand vous le pouviez; veuve de Jésus-Christ, vous avez même mérité. de voir votre fille au nombre des vierges chrétiennes; vous avez prié comme Anne, et votre fille est devenue l'imitatrice de Marie. Plus vous reconnaissez que ces dons viennent de Dieu, plus ces dons augmentent votre bonheur; et cette connaissance vous fait seule ce que vous êtes.
Ecoutez l'Apôtre : « Pour nous, ce n'est pas l'esprit de ce monde que nous avons reçu, mais l'esprit qui vient de Dieu, afin que nous connaissions les dons que Dieu nous a faits1». Beaucoup ont reçu de Dieu un grand nombre de bienfaits, mais comme ils ignorent de qui ils les ont reçus, ils sont assez coupables pour en tirer vanité. Comment les dons de Dieu rendraient-ils heureux celui qui se montre ingrat envers son bienfaiteur? Pendant les saints mystères on nous ordonne d'élever bien haut notre coeur; mais c'est Celui qui nous fait cet ordre qui nous donne le pouvoir de l'accomplir ; aussi ajoutons-nous que pour avoir élevé ainsi notre coeur, nous en rendons grâces à notre Dieu, sans attribuer cette gloire à nos propres forces; et on nous avertit aussitôt que cela est digne et vraiment juste. Vous connaissez d'où sont tirées ces paroles, vous en sentez intimement toute l'importance et toute la sainteté. Conservez donc ce que vous tirez, et rendez-en grâces à son auteur. Vous avez-le mérite de l'avoir reçu et de le posséder, mais au fond vous n'avez que ce que ce que vous. avez reçu. Celui qui voudrait tirer gloire de ce qu'il possède et se l'attribuer à lui-même, devrait s'appliquer ces paroles de l'Apôtre : « Qu'as tu que tu n'aies reçu ? Or, si tu l'as reçu, pourquoi te glorifier comme si tu ne l'avais pas reçu2? »
