CHAPITRE XIII.
SI LE TEMPS DE LA PERSÉCUTION DE L’ANTÉCHRIST DOIT ÉTRE COMPRIS DANS LES MILLE ANS.
Cette dernière persécution de l’Antéchrist doit durer trois ans et demi, selon l’Apocalypse1 et le prophète Daniel2. Bien que ce temps soit court, on a raison de demander s’il sera compris ou non dans les mille ans de la captivité du diable et du règne des saints. S’il y est compris, le règne des saints s’étendra au-delà de la captivité du diable, et ils régneront avec leur roi, lors même que le diable sera délié et qu’il les persécutera de tout son pouvoir. Comment alors l’Ecriture détermine-t-elle le règne des saints et la captivité du diable par le même espace de mille ans, si le diable doit être délié trois ans et demi avant que les saints cessent de régner ici-bas avec Jésus-Christ? D’un autre côté, si nous disons que les trois ans et demi ne sont pas compris dans les mille ans, afin que le règne des saints cesse avec la captivité du diable, ce qui semble être le sens le plus naturel des paroles de l’Apocalypse, nous serons obligés d’avouer que les saints ne régneront point avec Jésus-Christ pendant cette persécution. Mais qui oserait dire que les membres du Sauveur ne régneront pas avec lui, lorsqu’ils lui seront le plus étroitement unis, et que la gloire des combattants sera d’autant plus grande et leur couronne plus éclatante, que le combat aura été plus rude et plus opiniâtre ? Ou si l’on prétend qu’il n’est pas convenable de dire qu’ils régneront alors, à cause des maux qu’ils souffriront, il faudra dire aussi que pendant les mille ans mêmes, tous les saints qui ont souffert ne régnaient pas avec Jésus-Christ au temps de leur souffrance, et qu’ainsi ceux qui ont été égorgés pour avoir rendu témoignage à Jésus-Christ et pour la parole de Dieu, ces martyrs dont l’auteur de l’Apocalypse dit qu’il a vu les âmes, ne régnaient pas avec ce Sauveur, quand ils enduraient la persécution, et qu’ils n’étaient pas son royaume, quand il les possédait d’une manière si excellente. Or, il n’est rien de plus faux, ni de plus absurde. An moins ne peut-on pas nier que les âmes des martyrs ne règnent pendant les mille ans avec Jésus-Christ, et qu’elles ne règnent même après avec lui, lorsque le diable sera délié. Il faut croire aussi, par conséquent, qu’après les mille ans, les saints régneront encore avec ce Sauveur, et qu’ainsi leur règne s’étendra de ces trois ans et demi au-delà de la captivité du diable. Lors donc que saint Jean dit: « Les prêtres de Dieu et de Jésus-Christ régneront avec lui pendant mille ans ; et les mille ans finis, Satan sera délivré de sa prison » ; il faut entendre que les mille ans ne finiront pas le règne des saints, mais seulement la captivité du diable ; ou du moins, comme trois ans et demi sont peu considérables, en comparaison de tout le temps qui est marqué par mille ans, l’Ecriture ne s’est pas mise en peine de les y comprendre. Nous avons déjà vu la même chose, au seizième livre de cet ouvrage3, au sujet des quatre cents ans, bien qu’il y eût un peu plus : coutume assez fréquente dans les saintes Ecritures, si l’on y veut faire attention.
