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Pour ceux qui aiment Dieu de cette manière, tout contribue à leur bien; tout, même les fautes que parfois ils commettent, . car ces fautes deviennent un bien pour eux, en ce sens qu'elles les rendent plus humbles et plus instruits. Dans la vie sainte qu'ils mènent, ils apprennent à mêler toujours la crainte à la joie, à ne point se glorifier comme s'ils puisaient en eux-mêmes l'assurance de persévérer, et à ne jamais dire dans leur abondance . Jamais nous ne serons ébranlés. De là cette parole que le Prophète leur adresse : « Servez le Seigneur dans la crainte, et tressaillez en lui avec tremblement, de peur qu'il ne s'irrite contre nous, et que vous ne périssiez loin des voies de la justice1 ». David ne dit pas : De peur que vous ne veniez pas à la voie juste ; mais: « De peur que vous ne périssiez loin des voies de la justice». N'est-ce point un avertissement solennel donné à tous ceux qui marchent dans les voies de la justice, de servir Dieu avec crainte, c'est-à-dire de craindre au lieu de se livrer à l'orgueil de la présomption2? N'est-ce point leur dire de ne pas s'enorgueillir, mais d'être humbles? Tel est aussi le sens de ces autres paroles: « N'ayez a point de pensées présomptueuses, mais accoutumez-vous à ce qu'il y a de plus humble3 ». Qu'ils tressaillent en Dieu, mais toujours avec crainte; qu'ils ne se glorifient de quoi que ce soit, car de nous-mêmes nous n'avons rien ; et que celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur4; et tout cela dans la crainte de quitter les voies de la justice dans lesquelles ils ont commencé à marcher, ce qui leur arriverait infailliblement, s'ils s'attribuaient à eux-mêmes les heureuses dispositions qu'ils possèdent. Cette même vérité nous est enseignée par l'Apôtre en ces termes: « Opérez votre salut avec crainte et tremblement ». Pourquoi donc avec crainte et tremblement? Il répond : « Car c'est Dieu qui opère en vous le vouloir et le faire selon son bon plaisir5 ».
Cette crainte et ce tremblement n'étaient pas connus de celui qui s'écriait dans sa présomption : « Jamais je ne serai ébranlé ». Mais comme il était l'enfant de la promesse et non pas de la perdition, il éprouva bientôt les effets de l'abandon de Dieu et s'écria : « Seigneur, dans votre volonté vous avez donné la force à ma beauté; vous avez détourné de moi votre face, et le trouble s'est emparé de ma personne6 ». Voilà donc que, devenu plus instruit, et par là même plus humble, il a repris les voies de la justice, comprenant et confessant que c'est Dieu qui dans sa volonté a donné la force à sa beauté, tandis qu'auparavant, présumant tout de lui-même et s'attribuant sa propre abondance, ilosait s'écrier : «Jamais je ne serai ébranlé ». Le trouble s'est emparé de sa personne,et alors seulement il s'est retrouvé lui-même, et, saisi d'une humilité profonde , il a compris que c'est en Dieu seul qu'il devait mettre son espérance non-seulement de la vie éternelle, mais encore de la justice ici-bas et de la persévérance.
Saint Pierre aurait pu tenir le même langage. Fort de sa présomption il s'était écrié : « Je donnerai ma vie pour vous7 », s'attribuant prématurément ce que le Seigneur ne devait lui accorder que plus tard. Or, Jésus-Christ détourna de lui sa face, et Pierre tomba dans un trouble tel que, plutôt que de mourir pour lui, il le renia trois fois. Mais de nouveau Jésus-Christ se tourna vers lui , et Pierre expia sa faute dans un déluge de larmes. En effet, ces mots : « Il le regarda8 », ne signifient-ils pas qu'il tourna vers lui sa face, tandis qu'il la lui avait cachée précédemment? Le trouble et la frayeur s'étaient emparés de Pierre; mais comme il apprit à ne plus compter sur lui-même, cette défiance devint pour lui un heureux principe, sous l'action de celui qui fait que toutes choses contribuent au bien de ceux qui l'aiment. Pierre était appelé selon le décret, et personne ne pouvait l'arracher des mains de Jésus-Christ à qui il avait été donné.
