XII.
--- Quelque temps après, Martin, dans un de ses voyages, rencontra le convoi funèbre d'un païen qu'on portait en terre, avec des cérémonies superstitieuses. Voyant de loin cette foule qui s'avançait, et ne sachant ce que c'était, il s'arrêta un instant ; car, se trouvant à peu près à cinq cents pas de distance, il lui était difficile de rien distinguer. Cependant, comme il voyait une troupe de paysans, et que le vent faisait voltiger les linges blancs qui recouvraient, le corps, il crut qu'on accomplissait quelque rite profane et superstitieux : car les paysans, dans leur aveuglement insensé, ont l'habitude de porter autour de leurs champs les images des démons recouvertes d'étoffes blanches. Élevant donc la main, il fait le signe de la croix, commande à la foule de s'arrêter et de déposer le fardeau. À l'instant même ils demeurent immobiles comme des pierres ; puis, faisant un violent effort pour continuer leur marche, ils se mettent à tourner ridiculement sur eux-mêmes, jusqu'à ce que épuisés par le poids qu'ils portent, ils déposent le corps. Étonnés, ils se regardent les uns les autres en silence, et se demandent à eux-mêmes quelle peut être la cause de l'accident qui leur arrive. Mais le bienheureux, ayant reconnu que cette foule n'était point réunie pour un sacrifice, mais pour des funérailles, éleva de nouveau la main, et leur permit de s'éloigner et d'emporter le corps du défunt. C'est ainsi que Martin, suivant sa volonté, ou les força de s'arrêter, ou leur permit de reprendre leur marche.
