XXV.
--- Il y a quelque temps, ayant entendu parler de la foi, de la vie et des vertus de Martin, et désirant vivement le voir, je partis, avec bonheur, pour aller lui rendre visite ; et comme je désirais beaucoup écrire sa vie, je l'interrogeai lui-même autant que je le pus faire ; j'interrogeai aussi ceux qui avaient vécu avec lui, ou qui étaient bien informés. On ne pourrait croire avec quelle humilité et quelle bonté il me reçut en cette circonstance, témoignant une grande joie dans le Seigneur, de ce que j'avais fait assez de cas de lui pour entreprendre ce voyage. Lorsqu'il daigna m'admettre à sa table, moi, misérable que je suis, j'ose à peine l'avouer, il me présenta lui-même de l'eau pour me laver les mains, et le soir il me lava les pieds ; je n'eus pas le courage de résister ou de m'y opposer ; je fus tellement subjugué par son autorité, que je me serais fait un crime de ne pas acquiescer à ses désirs. Il ne nous entretint que des charmes trompeurs et des embarras du siècle, auxquels il faut renoncer, pour suivre le Seigneur Jésus avec liberté et dégagement. Il nous proposait le plus remarquable exemple de notre temps, celui de l'illustre Paulin, dont nous avons parlé plus haut. Ayant abandonné d'immenses richesses pour suivre Jésus-Christ, il est presque le seul à notre époque qui ait observé dans toute leur perfection les préceptes évangéliques. « Voilà l'exemple qu'il faut suivre, s'écriait-il ; heureux notre siècle d'avoir reçu ce grand enseignement de foi et de vertu, c'est-à-dire, d'avoir vu un homme possédant de grands biens, les vendre tous pour les donner aux pauvres, selon le conseil du Seigneur, et rendre ainsi possible par son exemple ce que le monde croyait impossible. » Quelle gravité et quelle dignité dans ses paroles et dans ses conversations, quelle pénétration d'esprit ! comme ses discours étaient persuasifs ! avec quelle promptitude et quelle facilité il comprenait et rendait intelligibles les passages obscurs des saintes Écritures ! Je sais que bien des personnes se sont refusées à croire sur ma parole ces derniers détails ; mais j'en prends à témoin Jésus-Christ et le ciel, notre commune espérance, que je n'ai jamais vu tant de science et tant d'intelligence, un langage plus éloquent et plus pur. Quoique pour un saint comme Martin de pareils éloges aient bien peu de valeur, n'est-il pas étonnant qu'un homme sans lettres ait possédé même ces qualités ?
