VII.
--- Mais saint Hilaire avait déjà quitté cette ville ; Martin le suivit, et, en ayant été revu avec la plus grande bonté, il se fit une solitude près de Poitiers1. Sur ces entrefaites, un catéchumène, désirant être instruit- par un si saint homme, se joignit à lui ; mais peu de jours après il fut pris de la fièvre. Martin était alors absent par hasard. Cette absence se prolongea trois jours encore, et à son retour il le trouva mort. L'événement avait été si soudain, qu'il avait quitté la terre n'ayant pas encore recru le baptême. Le corps était placé au milieu de la chambre, où les frères se succédaient sans cesse pour lui rendre leurs devoirs, lorsque Martin accourut, pleurant et se lamentant. Implorant alors avec ardeur la grâce de l'Esprit Saint, il fait sortir tout le monde, et s'étend sur le cadavre du frère. Après avoir prié avec ferveur pendant quelque temps, averti par l'Esprit du Seigneur que le miracle va s'opérer, il se soulève un peu, et, regardant fixement le visage du défunt, il attend avec confiance l'effet de sa prière et de la miséricorde divine. À peine deux heures s'étaient-elles écoulées, qu'il vit tous les membres du défunt s'agiter faiblement ; et les yeux s'entrouvrir. Alors Martin rend grâces à Dieu à haute voix, et fait retentir la cellule des accents de sa joie. À ce bruit, ceux qui se tenaient au dehors rentrent précipitamment, et (ô spectacle admirable !) ils trouvent plein de vie celui qu'ils avaient laissé inanimé. Ce catéchumène, revenu à la vie, fut aussitôt baptisé, et vécut encore plusieurs années. Le premier parmi nous il donna à Martin l'occasion d'exercer sa puissance, et resta en quelque sorte la preuve vivante de ce miracle. Il nous racontait souvent qu'après avoir quitté son corps, son âme avait comparu devant le tribunal du Juge, et qu'il y avait entendu la triste sentence qui le condamnait à habiter des lieux obscurs avec une foule d'autres âmes ; mais alors deux anges firent connaître au Juge qu'il était celui pour lequel Martin priait : ils reçurent aussitôt l'ordre de le ramener et de le rendre à la vie et à Martin. Ce miracle rendit le nom de Martin très célèbre, et ceux qui déjà le considéraient comme un saint, le regardèrent alors comme un homme puissant et vraiment apostolique.
Ce lieu s'appelle Ligugé. Les disciples de saint Martin n'étaient pas moines de profession, et leur engagement n'était pas perpétuel... Ce qui n'ôte cependant pas à saint Martin la gloire d'avoir, le premier, introduit la profession monastique en France. (D. Gervaise.) ↩
