CHAPITRE XVIII.
DE LA MORT ET DE LA RÉSURRECTION DU SAUVEUR PRÉDITES DANS LES PSAUMES TROIS, QUARANTE, QUINZE ET SOIXANTE-SEPT.
Les oracles des psaumes n’ont pas non plus gardé le silence sur la résurrection du Christ. Que signifient en effet ces paroles du troisième psaume : « Je suis endormi et j’ai sommeillé, et je me suis éveillé, parce que le Seigneur m’a pris? » Y a-t-il quelqu’un d’assez peu sensé pour croire que le Prophète nous aurait voulu apprendre comme une chose considérable qu’il s’est éveillé après s’être endormi, si ce sommeil n’était la mort, et ce réveil la résurrection de Jésus-Christ, qu’il devait prédire de la sorte ? Le psaume quarante en parle encore plus clairement, lorsqu’en la personne du médiateur, le Prophète, selon sa coutume, raconte comme passées des choses qu’il prophétise pour l’avenir, parce que, dans la prescience de Dieu, les choses à venir sont en quelque sorte arrivées, à cause de la certitude de leur accomplissement. « Mes ennemis, dit-il, ont fait des imprécations contre moi: quand mourra-t-il, et quand sa mémoire sera-t-elle abolie? S’il venait me voir, il me parlait avec déguisement, et se fortifiait dans sa malice ; et il n’était pas plutôt sorti qu’il s’attroupait avec les autres. Tous mes ennemis formaient des complots contre moi ; ils faisaient tous le dessein de me perdre. Ils ont pris contre moi des résolutions injustes; mais celui qui dort ne se réveillera-t-il pas? » C’est comme s’il disait : Celui qui meurt ne ressuscitera-t-il pas? Ce qui précède montre-assez que ses ennemis avaient conspiré sa mort, et que toute cette trame avait été conduite par celui qui entrait et sortait pour le trahir. Or, à qui ne se présente ici le traître Judas, devenu, de disciple de Jésus, le plus cruel de ses ennemis? Pour leur faire sentir qu’ils l’immoleraient en vain, puisqu’il devait ressusciter, il leur dit: « Celui qui dort ne se réveillera-t-il pas? » ce qui revient à ceci: Que faites-vous, pauvres insensés ? ce qui est un crime pour vous n’est qu’un sommeil pour moi. Celui qui dort ne se réveillera-t-il pas? — Et néanmoins, pour prouver qu’un crime si énorme ne demeurerait pas impuni, il ajoute: « Celui qui vivait avec moi dans une si grande union, en qui j’avais mis ma confiance, et qui mangeait de mon pain, m’a mis le pied sur la gorge. Mais vous, Seigneur, ayez pitié de moi, et me rendez la vie, et je me vengerai d’eux ». Ne voit-on pas cette vengeance, quand on considère les Juifs expulsés de leur pays après de sanglantes défaites depuis la mort et la passion de Jésus-Christ? Après qu’il eut été mis à mort par eux, il est ressuscité, et les a châtiés de peines temporelles, en attendant celles qu’il leur réserve pour ne s’être pas convertis, lorsqu’il jugera les vivants et les morts. Le Sauveur même montrant le traître à ses Apôtres en lui présentant un morceau de pain, fit mention de ce verset du psaume1, et dit qu’il devait s’accomplir en lui : « Celui qui mangeait de mon pain m’a mis le pied sur la gorge ». Quant à ce qu’il ajoute : «En qui j’avais mis ma confiance », cela ne convient pas au chef, mais au corps; car le Sauveur connaissait bien celui dont il avait déjà dit: « L’un de vous est le diable2 » ; mais il a coutume d’attribuer à sa personne ce qui appartient à ses membres, parce que la tête et le corps ne font qu’un Christ, d’où viennent ces paroles de l’Evangile: « J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger3 » ; ce que lui-même explique ainsi : « Quand vous avez, dit-il, rendu ces services aux plus petits de ceux qui sont à moi, c’est à moi que vous les avez rendus». 4 S’il dit qu’il avait mis sa confiance en Judas, c’est que ses disciples avaient bien espéré de celui-ci, quand il fut mis au nombre des Apôtres.
Quant aux Juifs, ils ne croient pas que le Christ qu’ils attendent doive mourir. Aussi ne pensent-ils pas que celui que la loi et les Prophètes ont annoncé soit pour nous ; mais ils prétendent qu’il doit leur appartenir unique-nient, et qu’il sera exempt de la mort. Ils soutiennent donc, par une folie et un aveuglement merveilleux, que les paroles que nous venons de rapporter ne doivent pas s’entendre de la mort et de la résurrection, mais du sommeil et du réveil. Mais le psaume quinze leur crie : « C’est pour cela que mon coeur est plein de joie, que ma langue se répand en « des chants d’allégresse, et que vous ne laisserez point mon âme en enfer, et que vous ne « permettrez pas que votre saint souffre aucune corruption ». Quel autre parlerait avec autant de confiance de celui qui est ressuscité le troisième jour ? Peuvent-ils l’entendre de David ? Le psaume soixante-sept crie de son côté : « Notre Dieu est un Dieu qui sauve, et le Seigneur même sortira par la mort ». Que peut-on dire de plus clair ? Le Seigneur Jésus n’est-il pas un Dieu qui sauve, lui dont le nom même signifie Sauveur? En effet, c’est la raison qui en fut rendue quand l’ange dit à la Vierge : «Vous enfanterez un fils que vous « nommerez Jésus, parce qu’il sauvera son peuple en le délivrant de ses péchés5 ». Comme il a versé son sang pour obtenir la rémission de ces péchés, il n’a pas dû autrement sortir de cette vie que par la mort. C’est pour cette raison que le Prophète, après avoir dit : « Notre Dieu est un Dieu qui sauve », ajoute aussitôt : « Et le Seigneur même sortira par la mort », pour montrer que c’était en mourant qu’il devait sauver. Or, il dit avec admiration : « Et le Seigneur même », comme s’il disait: Telle est la vie des hommes mortels que le Seigneur même n’en a pu sortir que par la mort.
