CHAPITRE III.
LES TROIS SORTES DE PROPHÉTIES DE L’ANCIEN TESTAMENT SE RAPPORTENT TANTÔT À LA JÉRUSALEM TERRESTRE, TANTÔT À LA JÉRUSALEM CÉLESTE, ET TANTÔT À L’UNE ET À L’AUTRE.
Ainsi toutes les prophéties, tant celles qui ont précédé l’époque des Rois que celles qui l’ont suivie, regardent en partie la postérité charnelle d’Abraham, et en partie cette autre postérité en qui sont bénis tous les peuples cohéritiers de Jésus-Christ par le Nouveau Testament, et appelés à posséder la vie éternelle et le royaume des cieux. Elles se rapportent moitié à la servante qui engendre des esclaves, c’est-à-dire à la Jérusalem terrestre, qui est esclave avec ses enfants, et moitié à la cité libre, qui est la vraie Jérusalem, étrangère ici-bas en quelques-uns de ses enfants et éternelle dans les cieux; mais il y en à qui se rapportent à l’une et à l’autre, proprement à la servante et figurativement à la femme libre.
Il y a donc trois sortes de prophéties, les unes relatives à la Jérusalem terrestre, les autres à la céleste, et les autres à toutes les deux. Donnons-en des exemples. Le prophète Nathan1 fut envoyé à David pour lui reprocher son crime et lui en annoncer le châtiment. Qui doute que ces avertissements du ciel et autres semblables, qui concernaient l’intérêt de tous ou celui de quelques particuliers, n’appartinssent à la cité de la terre? Mais lorsqu’on lit dans Jérémie : « Voici venir le temps, dit le Seigneur, que je ferai une nouvelle alliance qui ne sera pas semblable à celle que je fis avec leurs pères, lorsque je les pris par la main pour les tirer d’Egypte; car ils ne l’ont pas gardée, et c’est pourquoi je les ai abandonnés, dit le Seigneur. Mais voici l’alliance que je veux faire avec la maison d’Israël : « Après ce temps, dit le Seigneur, je déposerai mes lois dans leur esprit; je les écrirai dans leur coeur, et mes yeux les regarderont et je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple2». Il est certain que c’est là une prophétie de cette Jérusalem céleste où Dieu même est la récompense des justes et où l’unique et souverain bien est de le posséder et d’être à lui. Mais lorsque l’Ecriture appelle Jérusalem la Cité de Dieu et annonce que la maison de Dieu s’élèvera dans son enceinte, cela se rapporte à l’une et l’autre cité : à la Jérusalem terrestre, parce que cela a été accompli, selon la vérité de l’histoire, dans le fameux temple de Salomon, et à la céleste, parce que ce temple en était la figure. Ce genre de prophétie mixte, dans les livres historiques de l’Ancien Testament, est fort considérable ; il a exercé et exerce encore beaucoup de commentateurs de l’Ecriture qui cherchent la figure de ce qui doit s’accomplir en la postérité spirituelle d’Abraham dans ce qui a été prédit et accompli pour sa postérité charnelle. Quelques uns portent ce goût si loin qu’ils prétendent qu’il n’y a rien en ces livres de ce qui est arrivé après avoir été prédit, ou même sans l’avoir été, qui ne doive se rapporter allégoriquement à la Cité de Dieu et à ses enfants qui sont étrangers en cette vie. Si cela est, il n’y aura pins que deux sortes de prophéties dans tous les livres de l’Ancien Testament, les unes relatives à la Jérusalem céleste, et les autres aux deux Jérusalem, sans qu’aucune se rapporte seulement à la terrestre. Pour moi, comme il ma semble que ceux-là se trompent fort qui excluent toute allégorie des livres historiques de l’Ecriture, j’estime aussi que c’est beaucoup entreprendre que de vouloir en trouver partout. C’est pourquoi j’ai dit qu’il vaut mieux distinguer trois sortes de prophéties, sans blâmer toutefois ceux qui, conservant la vérité de l’histoire, cherchent à trouver partout quelque sens allégorique. Quant aux choses qui ne peuvent se rattacher ni à l’action des hommes ni à celle de Dieu, il est évident que l’Ecriture n’en parle pas sans dessein, et il faut conséquemment tâcher de les rappeler à un sens spirituel.
