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Lorsqu’au retour d’une longue captivité, les enfants des Hébreux voulurent relever le temple de Jérusalem, dont les ruines, depuis tant d’années, jonchaient le sol, des peuples barbares et cruels s’opposèrent à cette religieuse entreprise. Sans respect pour Dieu, sans pitié pour une nation si longtemps malheureuse, sans crainte de la justice divine qui punit toujours les auteurs de pareils attentats, ils essayèrent d’abord d’arrêter l’ouvrage avec leurs seules forces. L’inutilité de leurs efforts les contraignit de s’adresser au roi de Perse. Ils lui écrivirent que Jérusalem était une ville portée à la révolte, et qu’elle aimait la guerre et la nouveauté. Ils demandèrent et obtinrent qu’on leur fournît les moyens d’empêcher les travaux, tombèrent sur les Juifs avec une nombreuse cavalerie, dispersèrent les ouvriers et1 interrompirent, pour un temps, la reconstruction du temple de Dieu. Cette victoire, dont ils auraient dû se frapper la poitrine, les remplit de joie et d’orgueil. Leur complot injuste et impie avait réussi, ils s’en applaudirent comme d’un grand succès. (II. Esdras, IV.)
Or c’était là le prélude et le commencement des maux qui allaient bientôt fondre sur eux. En effet, l’ouvrage avançait de jour en jour, il s’achevait glorieusement; et ces misérables apprirent, et par eux tout le monde, que c’est combattre contre Dieu que d’attaquer ses adorateurs, et que Mithridate 1 lui faisait alors une guerre impie, comme la lui font tous ses semblables, lorsqu’ils persécutent ceux qui travaillent pour sa gloire et se consacrent àson service. On ne s’attaque pas à Dieu impunément. Si le châtiment se fait parfois attendre, c’est un délai que la Bonté souveraine accorde à l’homme téméraire pour l’exciter au repentir, et lui donner le temps de revenir comme de son ivresse. S’il persiste dans son égarement, et qu’il ne profite pas de la patience divine , il sera du moins utile aux autres hommes: il leur apprendra par l’exemple de son inévitable punition à ne pas s’aventurer dans une lutte contre Dieu, aux mains invincibles de qui nul ne saurait échapper.
Ces ennemis du peuple de Dieu furent accablés de tant de misères et de calamités si grandes, qu’elles obscurcissent et qu’elles surpassent tout ce que l’on a vu de sanglant et de tragique dans l’univers. Dans les massacres et les boucheries que firent les mains victorieuses de ce peuple religieux, injustement persécuté, la terre fut si abreuvée du sang des impies, qu’elle se couvrit partout d’une boue ensanglantée. Au milieu de ces cadavres de chevaux, de ces cadavres d’hommes jetés en un affreux pêle-mêle et tout labourés de plaies, pullula bientôt une telle quantité de vers, que les corps disparaissaient dessous, comme la terre sous les corps morts. A voir ce. champ de carnage, on ne l’eût pas dit jonché de cadavres, mais semé de sources innombrables, vomissant à flots cette espèce d’insectes. Pas d’inondation comparable à ce débordement de pourriture et de vers. Et cela dura non pas dix ou vingt jours, mais plusieurs années. Tels furent déjà les châtiments qu’ils essuyèrent en cette vie, châtiments qui ne sont rien si on les compare, tant pour la durée que pour la rigueur, à ceux qui les attendaient dans l’autre monde. Mille ans, dix mille ans, ce n’est rien; deux ou trois fois autant, toujours rien; c’est durant un nombre infini de siècles que, dans leurs âmes et dans leurs corps réunis à jamais pour leur malheur, i1s souffriront des maux inouïs, d’inénarrables douleurs. Le saint prophète Isaïe connaissait cette double punition; et Ezéchiel, trouvé digne de contempler les plus merveilleuses visions, ne l’ignorait pas non plus; à eux deux ils ont décrit fous les châtiments de ces hommes : l’un, ceux de la vie présente, l’autre, ceux de la vie future.
Un de ceux qui écrivent au roi Artaxerce pour empêcher la reconstruction du temple. ( Voir I Esdras, IV, 7.) ↩
