CHAPITRE XVIII. IL FAUT CONSERVER LA MÉMOIRE D’UN OBJET PERDU POUR LE RETROUVER.
27. La femme qui a perdu sa drachme et l’a cherchée avec sa lampe ( Luc, XV, 8), s’en souvient pour la trouver; autrement pourrait-elle, en la trouvant, la reconnaître? Je me rappelle d’avoir cherché et retrouvé beaucoup d’objets perdus. Mais commet le sais-je? Quand j’étais en quête de ma perte, on me disait : N’est-ce pas cela? Et je répondais non, tant que l’objet ne m’était pas représenté; et vainement, échappé à ma mémoire, m’eût-il été remis sous les yeux, je ne l’eusse pas retrouvé, faute de le reconnaître. Et il en est toujours ainsi toutes les fois qu’on cherche et recouvre ce qu’on avait perdu.
C’est que, s’il s’agit d’un objet visible, pour être soustrait au regard, il ne l’est pas à la mémoire qui le retient par son image, et, sur cette image intérieure, le reconnaît en le retrouvant; car nous ne pouvons retrouver sans reconnaître, ni reconnaître sans nous souvenir: la mémoire garde l’objet, perdu pour les yeux.
