CHAPITRE XXVIII. DES DIVERS SENS QU’ELLE PEUT RECEVOIR.
38. Pour les autres, ces paroles ne sont plus un nid, mais un verger fertile où ils voltigent tout joyeux, à la vue des fruits cachés sous le feuillage; et ils les cherchent, et ils les cueillent en gazouillant. Car ils découvrent à la lecture ou à l’audition de ces paroles, que votre éternelle permanence, ô Dieu, demeure au-dessus de tous les temps passés et futurs, et qu’il n’est pourtant aucune créature temporelle qui ne soit votre ouvrage.
Et ils voient que votre volonté, n’étant pas autre que vous-même, ne saurait subir aucun changement, et que ce n’est point par survenance de résolution soudaine et sans précédent, que vous avez, créé le monde. Ils savent que vous avez produit tout être, non pas en tirant de vous une ressemblance parfaite de vous-même, mais du néant la plus informe dissemblance, capable cependant de recevoir une forme par l’impression du caractère de votre substance. Ils savent que puisant en vous seul, chacune suivant la contenance et la propriété de son être, toutes les créatures sont très-bonnes, soit que, fixées auprès de vous, elles demeurent dans votre stabilité, soit que, successivement éloignées de vous par la distance des temps et des lieux, elles opèrent ou attestent cette splendide harmonie qui révèle votre gloire. Voilà ce qu’ils voient, et ils se réjouissent, autant qu’il leur est possible ici-bas, dans la lumière de votre vérité.
39. L’un en considérant le début de la Genèse, « dans le principe Dieu créa,» porte sa pensée sur l’éternelle Sagesse, ce principe qui nous parle. Un autre entend par ces mêmes paroles. le commencement de la création; elles sont, pour lui, équivalentes à celles-ci : « Dieu créa « d’abord. » Et parmi ceux qui s’accordent à reconnaître, dans ce principe, la Sagesse par (498) laquelle vous avez fait le ciel et la terre, l’un prétend que, sous les noms de ciel et de terre,. il faut entendre la matière primitive de l’un et de l’autre. Celui-ci n’accorde ces noms qu’aux natures distinctes et formées. Celui-là veut que le nom de ciel désigne la nature spirituelle, accomplie dans sa forme, et que le nom de terre désigne la matière corporelle dans son informité.
Même diversité d’opinions entre ceux qui, sous les noms de ciel et de terre, conçoivent la matière informe dont le ciel et la terre devaient être formés; l’un y voit la source commune des créatures corporelles et intelligentes; l’autre, de cette seule création matérielle, dont le vaste sein renferme toutes les natures évidentes à nos sens.
Ceux enfin qui entendent par ces paroles des créatures disposées dans la perfection de l’ordre et de la forme, comprennent: l’un, les créatures invisibles et visibles; l’autre, les seules visibles, c’est-à-dire ce ciel lumineux qui éblouit nos regards, et cette terre, région de ténèbres, avec tous les êtres qu’ils contiennent.
