CHAPITREXXIX. — Retour sur sa vie passée.
2. « Qui me ramènera aux mois de mes premiers jours ? » Ceci parait s'appliquer à l'Eglise unie à Jésus-Christ son chef; comme si elle se trouvait au temps où abondent les tribulations et les épreuves, en ces jours annoncés par le Seigneur en ces termes : « Les jours viendront où vous désirerez voir un des jours du Seigneur, et vous ne le verrez point 1. » En effet quand le Sauveur était sur la terre, nulle inquiétude ne venait trouer le peuple chrétien naissant : il se composait des premiers croyants, parmi lesquels plus de cinq cents frères, à qui, d'après le témoignage de l'Apôtre, le Seigneur daigna apparaître après sa résurrection 2. On n'avait point alors à redouter de voir l'Eglise mal gouvernée, ni divisée par les trahisons de l'hérésie ou du schisme. Elle n'avait pas non plus à souffrir les persécutions extérieures : il n'y avait encore pour elle aucune épreuve ni au dedans, ni au dehors. Job parle donc ici au nom de l'humanité, c'est-à-dire du peuple du nouveau Testament, désirant revoir ces jours, comme le lui avait prédit le Sauveur. Il les appelle des mois et non pas des années, parce que depuis le moment où le Christ choisit ses disciples, jusqu'à sa mort, on ne peut guère compter que des mois, et non pas des années.
3. « Lorsque sa lumière brillait au-dessus de ma tête. » C'est le Seigneur visible en sa chair, ou sa parole rendue sensible par cette présence corporelle.
4. « Pendant que 1a parole de Dieu gardait ma maison, » pour en conserver pure la conduite.
5. « Et que mes serviteurs autour de moi. » Ceux qui, humbles et soumis, savaient pourvoir à tous mes besoins,
6. «Pendant que le beurre coulait le long de mes voies. » Mes moeurs faisaient éclater ma foi et mes bonnes oeuvres. « Et que pour moi le lait coulait en abondance des montagnes. » Que les prophètes étaient parfaitement compris des petits.
7. « Lorsque le matin je parcourais la ville. » Ou bien lorsque la lumière chassait les ténèbres de la crainte, ou bien veut-il dire qu'au berceau de son Eglise il n'était ni assez caché, ni assez connu? « Et sur la placé publique un siège m'était préparé. » La multitude me donnait l'autorité pour instruire.
8. « A ma vue les jeunes hommes se cachaient : » ceux qui suivaient leurs mauvais désirs. « Mais les vieillards se levaient, » les prudents.
9. « Et les puissants cessaient de parler : » ceux qui se prévalaient d'une vaine science.
11. « L'oreille qui m'a entendu m'a proclamé bienheureux. » Un peuple que je n'ai point connu, m'a servi, il a prêté une oreille attentive à ma voix 3. « Et l'oeil qui me voyait s'est détourné. » Celui des Juifs qui n’ont point voulu croire.
13. « Et la langue de la veuve a proclamé mes louanges. » L'âme qui a renoncé à l'alliance du démon. Voilà qu'on sortait un mort, fils unique d'une mère qui était veuve 4.
14. « Je me suis vêtu de la justice, comme d'un manteau. » Lorsque tu préfères aux actions charnelles les oeuvres spirituelles, que ta main gauche ignore ce que fait ta droite 5, qu'elle ignore l'intention qui t'a dirigé. La main gauche demeure fermée sous le manteau, la droite reste ouverte; ainsi agissons-nous, lorsque nous savons à. qui il faut rapporter nos actions.
16. « J'ai médité avant de juger ce que j'ignorais. » Voilà que nous avons tout quitté pour vous suivre; qu'y aura-t-il pour nous 6 ? Il se croit heureux d'avoir pu interroger quelqu'un sur le jugement à venir.
17. « J'ai brisé la mâchoire des méchants, » afin qu'ils cessent de dévorer le peuple qui était devenu leur pâture.
18. « Je parviendrai à la vieillesse, et comme le palmier je vivrai de longues années. » Ma vie sera prolongée, je serai toujours en honneur comme le palmier, justement admiré pour ma droiture et mon élévation.
19. « Et la rosée reposera sur mes moissons. » On appelle moisson ce qui croit dans un. champ depuis qu'il est ensemencé.
20. « Et ma gloire me sera conservée toujours nouvelle; » celle du nouveau Testament. « Et mon arc en mes mains continuera son oeuvre. » J'accomplirai ce que je commande.
22. « Ils n'ont rien ajouté à mes discours. » Il désigne ici la perfection de l'Evangile. La Loi donnée à la Synagogue dut être complétée. « Mais ils se réjouissaient de m'entendre. » La Loi ancienne inspirait la crainte; la Loi nouvelle, l'amour.
24. «Si je souriais devant eux, ils ne le croyaient point. » Il disait en paraboles des choses qui n'étaient point comprises, et dans lesquelles pourtant on entrevoyait plus de grandeur qu'il n'en paraissait. C'est le rire de Sara 7 ; il indiquait que tout ce qui se passait avait un sens prophétique. Ainsi en est-il, quand on parle en figures.
25. « J'ai choisi leurs voies, et je me suis assis à la première place. » Ou en me faisant homme, ou en mangeant avec les publicains et les pécheurs; mais toujours j'étais au premier rang pour leur salut. « Et j'étais comme un roi entouré de ses vaillants défenseurs; » de ceux qui ont tout quitté pour me suivre. « Et je consolais ceux qui étaient tristes. » Il parle de ceux à qui l'espérance donnait de la joie, au milieu des tristesses de la vie présente, comme il est écrit : « Bienheureux ceux qui pleurent 8 » et ailleurs : « Nous paraissons tristes, mais toujours nous sommes dans la joie 9. » Ils ne peuvent encore atteindre cette haute perfection dont il est dit : « Celui qui pratiquera et enseignera, sera appelé grand dans le royaume des cieux 10. »
