Übersetzung
ausblenden
De la trinité
CHAPITRE PREMIER.
TROIS SOURCES D’ERREURS. — NÉCESSITÉ DE PURIFIER L’ÂME POUR ÉTUDIER LA TRINITÉ.
- Le lecteur de ce traité doit tout d’abord savoir que je me propose d’y réfuter les calomnies de ceux qui dédaignent de s’appuyer sur les principes de la foi, et qui se trompent ainsi et s’égarent en s’attachant trop prématurément aux lumières de la raison. Quelques-uns veulent appliquer aux substances incorporelles et spirituelles les notions que leur donnent sur les êtres matériels l’expérience des sens, ou la vivacité de l’esprit, ou l’étude et l’observation, et même le secours des arts. Bien plus, ils prétendent juger de celles-là par les règles qui ne sont applicables qu’à ceux-ci. D’autres transportent en Dieu, si toutefois ils pensent à lui, les affections et les sentiments de l’homme, en sorte que cette première erreur les amène, quand ils discutent des questions de théodicée, à avancer des principes faux et erronés. Enfin il en est qui s’élèvent au-dessus de toute créature, essentiellement muable et inconstante, pour atteindre l’être seul fixe et immuable, et arrivent ainsi à la notion de Dieu. Mais, courbés sous le poids de la faiblesse humaine, ils veulent paraître savoir ce qu’ils ignorent, quoiqu’ils ne puissent savoir ce qu’ils veulent connaître. C’est pourquoi par la hardiesse et la présomption avec lesquelles ils soutiennent leurs opinions, ils se ferment les voies de la vérité, car ils préfèrent s’opiniâtrer dans leurs idées mauvaises plutôt que d’embrasser la doctrine contraire. Telles sont les trois sortes d’adversaires que je me propose de combattre.
Les premiers imaginent un Dieu corporel; les seconds un Dieu spirituel, mais créé, et le comparent à notre âme; et les troisièmes, qui repoussent également un Dieu matière, et un Dieu créature spirituelle, professent eux aussi une doctrine entièrement erronée. On peut même dire qu’ils s’éloignent d’autant plus de la vérité, que leurs sentiments contre. disent toutes les notions acquises sur les corps, les esprits créés, et le Créateur lui. même. Et en effet, celui qui donne à Dieu un corps blanc ou rouge, se trompe sans doute, et néanmoins ces accidents se rencontrent dans les corps. Celui encore qui attribue à Dieu les défauts et les qualités de la mémoire, ou de toute autre faculté de l’esprit humain, s’égare sans doute, et néanmoins ces attributs se trouvent dans tout esprit créé. Mais, au contraire, celui qui affirme qu’il est de l’essence d’un Dieu tout-puissant de s’être engendré lui-même, énonce une proposition fausse sous tous les rapports. Car non-seulement cela n’est point vrai de Dieu, mais ne saurait même l’être des esprits, ni des corps, puisque rien de ce qui existe n’a pu se donner l’existence.
-
C’est pour nous prémunir contre toutes ces erreurs que l’Ecriture sainte, s’accommodant à notre faiblesse, a daigné employer un langage tout humain, afin de familiariser notre intelligence avec les attributs divins, et de l’élever ensuite comme par degré aux plus sublimes mystères. Ainsi elle semble donner un corps à Dieu, quand elle met cette parole dans la bouche du psalmiste : « Seigneur, protégez moi à l’ombre de vos ailes ( Ps. XVI, 8 ) ». Ainsi encore elle attribue à Dieu certaines passions qui n’appartiennent qu’à l’esprit humain. Ce n’est pas que Dieu les ressente réellement, mais (346) c’est que tout autre langage serait inintelligible. « Je suis un Dieu jaloux, dit le Seigneur» ; et encore : « Je me repens d’avoir créé l’homme ( Exod., XX, 5 ; Gen., VI, 7. ) ». Quant aux choses qui n’existent point, l’Ecriture s’abstient de leur emprunter aucune notion dont elle pût tirer une parole, ou figurer un emblème. Ils s’évanouissent donc en leurs vaines et criminelles pensées, ces philosophes qui, sous ce troisième rapport, s’éloignent complètement de la vérité, car ils supposent en Dieu ce qui ne peut se rencontrer ni en lui, ni dans aucune créature. L’Ecriture procède différemment, et elle emploie les divers attributs des créatures, comme des joujoux qu’elle nous présente, pour se proportionner à notre faiblesse, et pour nous exciter à nous éloigner insensiblement de toute idée basse et terrestre, et nous élever jusqu’aux mystères les plus sublimes, Rarement aussi elle affirme de Dieu ce qui ne se trouve dans aucune créature. Ainsi Dieu dit à Moïse: « Je suis l’Etre » ; et il lui ordonne de dire aux Hébreux : « C’est l’Etre qui m’a envoyé vers vous ( Exod., III, 14 )». Mais parce que dans un sens tout corps et tout esprit possèdent l’être, cette façon de parler nous avertit que Dieu est d’une manière qui lui est toute particulière. « A Dieu seul, dit l’Apôtre, appartient l’immortalité ( I Tim., VI, 16 ) » Et cependant il est permis de dire de notre âme qu’elle est immortelle. C’est pourquoi saint Paul, en affirmant qu’à Dieu seul appartient l’immortalité, nous fait entendre qu’il parle de cette vraie immortalité que ne peut posséder la créature et qui est l’attribut spécial de la divinité. Tel est aussi le sens de ces paroles de saint Jacques « Toute grâce excellente et tout don parfait vient d’en-haut, et descend du Père des lumières, en qui il n’y a ni changement, ni ombre de vicissitude ( Jacq., I, 17 ) ». Le psalmiste dit également: « Les cieux périront; vous les changerez , et ils seront changés; mais pour vous, vous êtes éternellement le même ( Ps., CI, 27, 28 ) »
-
Il nous est donc bien difficile de contempler et de connaître pleinement l’essence de ce Dieu qui, dans son immutabilité, crée les créatures muables et changeantes, et qui, dans son éternité, ordonne et dirige les mouvements du temps. Mais pour que l’oeil de notre âme puisse arriver à l’ineffable contemplation de ces ineffables mystères, il est nécessaire qu’il soit purifié par la vision béatifique; et parce que nous ne la possédons pas encore, la foi nous est donnée comme un guide qui nous conduit par des sentiers moins rudes et moins escarpés, et qui nous rend ainsi aptes et habiles à atteindre le terme heureux du voyage. L’Apôtre savait bien qu’en Jésus-Christ sont renfermés tous les trésors de la sagesse et de la science; et cependant il l’exalte aux yeux des nouveaux chrétiens, non en la puissance qui le rend égal à son Père, mais en l’infirmité de la chair qui lui a fait souffrir le supplice de la croix. C’est que ces chrétiens, quoique régénérés en la grâce de Jésus-Christ, étaient encore des enfants faibles, charnels et peu instruits dans les voies spirituelles. Aussi saint Paul leur dit-il : « Je n’ai pas prétendu parmi vous savoir autre chose que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié : et j’ai été au milieu de vous dans un état de faiblesse, de crainte et de tremblement ». Et un peu plus loin, il ajoute : « Et moi, mes frères, je n’ai pu vous parler comme à des hommes spirituels, mais comme à des personnes encore charnelles. Je ne vous ai nourris que de lait, comme étant des enfants en Jésus-Christ, et non pas de viandes solides, parce que vous ne pouviez les supporter; et à présent même, vous ne le pouvez pas encore ( I Cor., II, 2, 3 ; III, 1, 2. ) ».
Quelques-uns s’irritent d’un tel langage, et le repoussent comme gravement injurieux. Ah! ils préfèrent croire que nous ne parlons ainsi que par ignorance et impéritie, plutôt que d’avouer qu’ils sont eux-mêmes incapables de comprendre une parole plus élevée. Quelque fois aussi nous leur alléguons un raisonnement auquel ils ne s’attendaient point dans cette discussion; et quoiqu’ils ne puissent toujours le saisir entièrement, et que nous-mêmes ne sachions l’expliquer ni le développer dans toute sa force, il les contraint néanmoins à reconnaître combien ils sont peu fondés à exiger de nous des démonstrations qu’ils ne sauraient comprendre. Mais du moment que nous leur tenons un autre langage que celui qu’ils désiraient, ils nous regardent ou comme des gens rusés qui dissimulent ainsi leur ignorance, ou comme des jaloux qui leur envient le don de la science. C’est pourquoi ils s’éloignent de nous, l’esprit troublé et le coeur plein d’indignation. (347)
Edition
ausblenden
De Trinitate
I.
Lecturus haec quae de trinitate disserimus prius oportet ut noverit stilum nostrum adversus eorum vigilare calumnias qui fidei contemnentes initium immaturo et perverso rationis amore falluntur. Quorum nonnulli ea quae de corporalibus rebus sive per sensus corporeos experta notaverunt, sive quae natura humani ingenii et diligentiae vivacitate vel artis adiutorio perceperunt, ad res incorporeas et spiritales transferre conantur ut ex his illas metiri atque opinari velint. Sunt item alii qui secundum animi humani naturam vel affectum de deo sentiunt, si quid sentiunt, et ex hoc errore cum de deo disputant sermoni suo distortas et fallaces regulas figunt. Est item aliud hominum genus, eorum qui universam quidem creaturam, quae profecto mutabilis est, nituntur transcendere ut ad incommutabilem substantiam quae deus est erigant intentionem; sed mortalitatis onere praegravati cum et videri volunt scire quod nesciunt et quod volunt scire non possunt, praesumptiones opinionum suarum audacius affirmando intercludunt sibimet intellegentiae vias, magis eligentes sententiam suam non corrigere perversam quam mutare defensam.
Et hic quidem omnium morbus est trium generum, quae proposui: et eorum scilicet qui secundum corpus de deo sapiunt; et eorum qui secundum spiritalem creaturam, sicuti est anima; et eorum qui neque secundum corpus neque secundum spiritalem creaturam, et tamen de deo falsa existimant, eo remotiores a vero quo id quod sapiunt, nec in corpore reperitur nec in facto et condito spiritu nec in ipso creatore. Qui enim opinatur deum, verbi gratia, candidum vel rutilum, fallitur; sed tamen haec inveniuntur in corpore. Rursus qui opinatur deum nunc obliviscentem, nunc recordantem vel si quid huiusmodi est, nihilominus in errore est; sed tamen haec inveniuntur in animo. Qui autem putant eius esse potentiae deum, ut seipsum ipse genuerit, eo plus errant quod non solum deus ita non est sed nec spiritalis nec corporalis creatura. Nulla enim omnino res est quae se ipsam gignat ut sit.
[2] Ut ergo ab huiusmodi falsitatibus humanus animus purgaretur, sancta scriptura parvulis congruens nullius generis rerum verba vitavit ex quibus quasi gradatim ad divina atque sublimia noster intellectus velut nutritus assurgeret. Nam et verbis ex rebus corporalibus sumptis usa est cum de deo loqueretur, velut cum ait: Sub umbraculo alarum tuarum protege me. Et de spiritali creatura multa transtulit quibus significaret illud quod ita non esset sed ita dici opus esset, sicuti est: Ergo sum deus zelans, et: Poenitet me hominem fecisse. De rebus autem quae omnino non sunt non traxit aliqua vocabula quibus vel figuraret locutiones vel sirparet aenigmata. Unde perniciosius et inanius evanescunt qui tertio illo genere erroris a veritate secluduntur hoc suspicando de deo quod neque in ipso neque in ulla creatura inveniri potest. Rebus enim quae in creatura reperiuntur solet scriptura divina velut infantilia oblectamenta formare quibus infirmorum ad quaerenda superiora et inferiora deserenda pro suo modulo tamquam passibus moveretur aspectus. Quae vero proprie de deo dicuntur, quae in nulla creatura reperiuntur, raro ponit scriptura divina, sicut illud quod dictum est ad Moysen: Ergo sum qui sum, et: Qui est misit me ad vos. Cum enim esse aliquo modo dicatur et corpus et animus, nisi proprio quodam modo vellet intellegi, non id utique diceret. Et illud quod ait apostolus: Qui solus habet immortalitatem. Cum et anima modo quodam immortalis esse dicatur et sit, non diceret, solus habet, nisi quia vera immortalitas incommutabilitas est, quam nulla potest habere creatura quoniam solius creatoris est. Hoc et Iacobus dicit: Omne datum optimum et omne donum perfectum desursum est descendens a patre luminum, apud quem non est commutatio nec momenti obumbratio. Hoc et David: Mutabis ea et mutabuntur; tu autem idem ipse es.
[3] Proinde substantiam dei sine ulla sui commutatione mutabilia facientem, et sine ullo suo temporali motu temporalia creantem, intueri et plene nosse difficile est. Et ideo est necessaria purgatio mentis nostrae qua illud ineffabile ineffabiliter videri possit; qua nondum praediti fide nutrimur, et per quaedam tolerabiliora ut ad illud capiendum apti et habiles efficiamur itinera ducimur. Unde apostolus in Christo quidem dicit esse omnes thesauros sapientiae et scientiae absconditos. Eum tamen, quamvis iam gratia eius renatis sed adhuc carnalibus et animalibus, tamquam parvulis in Christo, non ex divina virtute in qua aequalis est patri sed ex humana infirmitate ex qua crucifixus est, commendavit. Ait namque: Neque enim iudicavi me scire aliquid in vobis nisi Iesum Christum et hunc crucifixum. Deinde secutus ait: Et ego in infirmitate et in timore et tremore multo fui apud vos. Et paulo post eis dicit: Et ego, fratres, non potui loqui vobis quasi spiritalibus sed quasi carnalibus. Quasi parvulis in Christo lac vobis potum dedi, non escam; nondum enim poteratis, sed nec adhuc potestis.
Hoc cum dicitur quibusdam irascuntur et sibi contumeliose dici putant, et plerumque malunt credere eos potius, a quibus haec audiunt non habere quod dicant quam se capere non posse quod dixerint. Et aliquando afferimus eis rationem, non quam petunt cum de deo quaerunt quia nec ipsi eam valent sumere nec nos fortasse vel apprehendere vel proferre, sed qua demonstretur eis quam sint inhabiles minimeque idonei percipiendo quod exigunt. Sed quia non audiunt quod volunt, aut callide nos agere putant ut nostram occultemus imperitiam aut malitiose quod eis invideamus peritiam, atque ita indignantes perturbatique discedunt.