38.
Ceux de nos frères dont nous nous occupons en ce moment, nous diront peut-être que l'erreur des Pélagiens se trouve pleine ment réfutée par ce témoignage dans lequel l'Apôtre déclare que nous avons été choisis en Jésus-Christ et prédestinés avant la formation du monde, afin que nous fussions saints et immaculés à ses yeux dans la charité de Jésus-Christ. De leur côté, ils soutiennent que, « après avoir reçu les préceptes divins, nous pouvons, par nos propres forces et par notre libre arbitre, nous rendre saints et immaculés à ses yeux dans la charité; et parce que cette heureuse disposition de notre part était connue de Dieu par sa prescience infinie, voilà pourquoi, dès avant la formation du monde, il nous a choisis et prédestinés en Jésus-Christ ». Or, l'Apôtre dit clairement que si nous avons été élus et prédestinés, ce n'est nullement parce que Dieu prévoyait que nous serions saints et immaculés, mais afin de nous rendre tels par l'élection même de la grâce dont il nous a gratifiés dans son Fils bien-aimé. Quand donc il nous a prédestinés, il a connu par avance ce qu'il ferait en nous, c'est-à-dire qu'il nous rendrait saints et immaculés. Ce raisonnement de l'Apôtre réfute donc de la manière la plus péremptoire l'erreur de Pélage.
Mais, disent nos semi-pélagiens, nous soutenons « que Dieu n'a prévu en nous autre chose que la foi par laquelle nous commençons à croire, et c'est dans cette simple prévision que, dès avant la formation du monde, il nous a choisis et prédestinés afin que, par son action et par sa grâce, nous fussions saints et immaculés ». Qu'ils méditent donc ces autres paroles du même Apôtre : « C'est aussi en lui que nous avons obtenu la vocation comme par sort, ayant été prédestinés par le décret de celui qui a fait toutes choses, selon le décret et le conseil de sa volonté ». Celui qui fait toutes choses, fait donc aussi que nous commencions à croire. Cette vocation dont il est parlé, n'est-ce pas celle dont il est dit : « Les dons et la vocation de Dieu sont sans repentance1 »; et encore: « Non à cause de leurs oeuvres, mais par la volonté de celui qui appelle2? » Ne pouvait-il pas dire : Sinon par leurs oeuvres, du moins par leur foi? Enfin la foi elle-même n'a pu précéder cette élection dont le Sauveur nous dit : « Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, mais c'est moi qui vous ai choisis3 ». En effet, Dieu nous a choisis non point parce que nous avons cru, mais afin que nous croyions; car autrement le premier choix aurait été fait par nous, et, ce qu'à Dieu ne plaise, de la part de Jésus-Christ ce serait une erreur de dire : « Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, mais c'est moi qui vous ai choisis ». De même nous sommes appelés, non point parce que nous avons cru, mais afin que nous croyions; cette vocation, qui est sans repentante, a précisément pour effet de nous amener à la foi. Du reste, je me suis expliqué longuement sur ce point, et toute répétition serait inutile.
