Übersetzung
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OCTAVIUS
XXII.
« Nous apprenons ces fables de nos pères ignorant, et employons ensuite notre esprit et nos soins à les embellir. Les poètes surtout s'y sont adonnés, et leur réputation a fait un grand préjudice à la vérité. C'est pourquoi Platon avait raison, à mon avis, de chasser Homère de sa république, en dépit de sa gloire et de sa renommée; car c'est lui principalement qui a mêlé vos dieux parmi les choses du monde, quoiqu'il l'ait fait en raillant. Il les fait battre ensemble dans la guerre de Troie. Il blesse Vénus; il enchaîne Mars, il lui fait des plaies, il le met en fuite. Il fait délivrer Jupiter par Briarée, au moment où il était sur le point d'être enchaîné par les dieux. Il lui fait pleurer d'une pluie de sang la mort de son fils Sarpédon, qu'il n'avait pas le pouvoir d'empêcher. Il le dépeint charmé de la ceinture de Vénus et caressant avec plus d'ardeur sa Junon qu'il ne ferait ses maîtresses. Tantôt Hercule vide des écuries, Apollon est bouvier d'Admète, Neptune se loue à Laomédon pour bâtir les murs de Troie, et est assez malheureux pour ne pas être payé de ses journées. Tantôt on fabrique sur la même enclume les armes d'Énée et les foudres de Jupiter, comme si le ciel et ses foudres n'avaient pas existé longtemps avant que Jupiter naquit en Crète, et qu'il n'eût pas redouté lui-même ce tonnerre que les Cyclopes ne peuvent imiter. Que dirai-je de Mars et de Ténus qu'on surprend en adultère, et du crime de Jupiter avec Ganymède, qui est consacré dans le ciel? Toutes ces fables ont été inventées pour autoriser les vices des hommes. C'est par ces fictions et ces agréables mensonges qu'on corrompt l'esprit des jeunes gens; ils y croissent et ils y vieillissent : la vérité est exposée en vue à tout le monde, mais encore faut-il ouvrir les yeux. Tous les auteurs anciens de la Grèce et de l'Italie écrivent que Saturne qui est le premier de toute sa race, n'était qu'un homme. Népos et Cassius le disent dans leur histoire ; Thallus et Diodore sont de cet avis. Ce Saturne donc s'enfuit de Crète en Italie pour ne point tomber entre les mains de son fils, et Janus le reçut dans sa maison. Or, comme il était Grec et assez poli, il apprit plusieurs choses à ces barbares, comme de former des lettres, de battre de la monnaie, de fabriquer divers instruments. Il appela donc ce pays Latium, comme qui dirait l'asile secret, parce qu'il y avait été caché. Il donna aussi son nom à la ville de Saturnia pour conserver sa mémoire, comme Janus donna le sien au mont Janicule qu'il habitait. C'est donc un homme qui s'enfuit et qui se cache; c'est le père d'un homme; c'est le fils d'un homme; car s'il fut appelé fils du ciel et de la terre, c'est parce que son origine était inconnue aux Italiens, comme nous disons encore de ceux qui arrivent à l'imprévu, qu'ils sont tombés du ciel, et de ceux dont on ignore la naissance, que ce sont des enfants de la terre. Jupiter régna en Crète après en avoir chassé son père; il y eut des enfants et il y fut enterré. On y voit encore aujourd'hui un antre qui porte encore son nom ; on y montre son sépulcre ; et les cérémonies dont on honore sa mémoire, témoignent bien qu'il a été homme. Il serait superflu de faire le dénombrement et la généalogie de tous les dieux issus de lui. C'est assez de prouver que le père était un homme, pour faire voir que les enfants le sont aussi, si ce n'est que vous pensiez avoir déifié ceux que vous avez consacrés après leur mort ; et qu'un faux serment de Proculus puisse faire un dieu, ou que Juba soit de la troupe des immortels, parce que les Maures l'adorent. En un mot, en mettant tous ces rois au nombre des dieux, ce n'a pas été pour le persuader aux hommes, mais c'est un honneur qu'on a voulu rendre à la royauté. C'est même malgré eux qu'ils sont honorés de ces vaines cérémonies. Ils voudraient demeurer hommes, et croient si peu devenir dieux par ce moyen qu'ils l'appréhendent même en leur vieillesse. Ceux-là donc qui meurent ne sont point dieux, parce que les dieux ne peuvent mourir ; et ceux qui ont pris naissance ne peuvent l'être, parce qu'ils sont sujets à la mort. Or ce qui est dieu, n'a ni fin ni commencement ; car s'il est né autrefois des dieux, pourquoi n'en naîtrait-il pas encore à présent? à moins qu'on ne suppose que Jupiter soit trop vieux et que Junon ne soit plus en âge d'avoir des enfants. Minerve est-elle vieillie avant d'avoir pu être mère? Ou plutôt n'ont-ils cessé d'engendrer que parce qu'on a cessé de le croire? Certes si les dieux pouvaient procréer des enfants, et que ces enfants fussent immortels, nous aurions déjà plus de dieux que d'hommes, et je ne sais si le ciel et la terre seraient capables de les contenir. Disons donc que ces dieux dont nous avons appris la mort aussi bien que la naissance, ont été véritablement des hommes. Qui doute que la beauté et la richesse de l'ouvrage n'aient fait adorer les statues, et que le peuple ignorant n'ait été charmé par ces chefs-d'œuvre de l'art et ébloui par l'éclat de l'or, de l'argent et de l'ivoire? Que si quelqu'un veut prendre plaisir à considérer comment on fait ces figures et de quelle manière on les taille et on les façonne, il aura honte de craindre une matière sur laquelle la main de l'artisan s'est jouée pour faire un dieu : car ce dieu de bois, qui est peut-être le reste d'un bûcher ou d'un gibet, est suspendu, taillé, raboté, aplani. S'il est d'argent ou de cuivre, il sera peut-être fait d'un chaudron, ou de quelque chose de plus vulgaire, comme il est arrivé souvent au roi d'Egypte, et fabriqué sur l'enclume à coups de marteau. Le dieu de pierre est taillé, façonné et poli quelquefois par un méchant homme. Il ne sait pas pourtant les maux qu'on lui fait à sa naissance, comme il ne sent pas aussi les honneurs qu'on lui rend après sa consécration. Mais peut-être n'est-il pas encore dieu et n'est-il encore que pierre ou métal? Quand donc le devient-il? On le fond, on l'accommode, on le taille; il n'est pas encore dieu. On le soude, on le bâtit, on le dresse; ce n'est pas encore un dieu. Enfin on le pare, on le consacre, on le prie; le voilà dieu, lorsque l'homme l'a voulu et l'a dédié.
Edition
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Marci Minucii Felicis Octavius
Caput XXII
ARGUMENTUM. — Has porro fabulas, ab imperitis hominibus primum traditas, alii deinceps celebrarunt, ac poetae potissimum, qui haud parum veritati sua auctoritate nocuere; atque hujusmodi figmentis et mendaciis dulcioribus corrumpuntur ingenia puerorum, qui proinde in iis miseri consenescunt, quum alioquin sit obvia, sed requirentibus.
Has fabulas et errores et ab imperitis parentibus discimus, et, quod est gravius, ipsis studiis et disciplinis elaboramus, carminibus praecipue poetarum, qui plurimum quantum veritati ipsi sua auctoritate nocuere. Et Plato ideo praeclare Homerum illum inclytum, laudatum et coronatum, de civitate quam in sermone instituebat, ejecit. Hic enim praecipuus bello Troico deos vestros, etsi ludos facit, tamen in hominum rebus et actibus miscuit: hic eorum paria composuit, sauciavit Venerem, Martem vinxit, vulneravit, fugavit. Jovem narrat a Briareo liberatum, ne a diis caeteris ligaretur; et Sarpedonem filium, quoniam morti non poterat eripere, cruentis imbribus flevisse; et thoro [impr. loro] Veneris illectum, flagrantius quam in adulteras soleat, cum Junone uxore concumbere. Alibi Hercules stercora egerit, et Apollo Admetto pecus pascit; Laomedonti vero muros Neptunus instituit, nec mercedem operis infelix structor accipit: illic Jovis fulmen cum Aeneae armis in incude fabricatur, quum coelum et fulmina et fulgura longe ante fuerint quam Jupiter in Creta nasceretur, et flammas veri fulminis nec Cyclops potuerit imitari, nec ipse Jupiter non vereri. Quid loquar Martis et Veneris adulterium deprehensum? et in Ganymedem Jovis stuprum coelo consecratum? quae omnia in hoc prodita, ut vitiis hominum quaedam auctoritas pararetur. His atque hujusmodi figmentis et mendaciis dulcioribus corrumpuntur ingenia puerorum, et, hisdem fabulis inhaerentibus, ad usque summae aetatis robur adolescunt, et in iisdem opinionibus miseri consenescunt, quum sit veritas obvia, sed requirentibus. Saturnum enim principem hujus generis, et examinis omnes scriptores vetustatis, Graeci Romanique, hominem prodiderunt. Scit hoc Nepos et Cassius in historia, et Thallus ac Diodorus hoc loquuntur. Is itaque Saturnus, Creta profugus, Italiam, metu filii saevientis, accesserat, et, Jani susceptus hospitio, rudes illos homines et agrestes multa docuit, ut graeculus et politus, litteras imprimere, nummos signare, instrumenta conficere. Itaque latebram suam, quod tuto latuisset, vocari maluit Latium, et urbem Saturniam dedit de suo nomine, et Janiculum Janus ad memoriam uterque posteritatis reliquerunt. Homo igitur utique qui fugit, homo utique qui latuit, et pater hominis, et natus ex homine: terrae enim vel [impr. et] coeli filius, quod apud Italos esset ignotis parentibus, proditus; ut in hodiernum inopinato visos, coelo missos; ignobiles et ignotos, terrae filios nominamus Ejus filius Jupiter Cretae, excluso parente, regnavit, illic obiit, illic filios habuit; adhuc antrum Jovis visitur, et sepulchrum ejus ostenditur, et ipsis sacris suis humanitatis arguitur.