5. Le nombre des psaumes fixé par un anse.
Dans les temps de la primitive Église, les religieux étaient en petit nombre, mais d'une grande vertu. Ils avaient reçu leur règle de l'évangéliste saint Marc, qui fut le premier évêque d'Alexandrie. Et non-seulement ils observaient ce qui est rapporté des fidèles dans les Actes des apôtres: « La multitude de ceux qui croyaient, n'avait qu'un coeur et qu'une âme. Aucun ne disait à lui ce qu'il possédait, mais tout était commun entre eux. Ceux qui avaient des champs et des maisons, les vendaient, et en apportaient le prix aux pieds des Apôtres, qui partageaient selon le besoin de chacun. » (Act., IV, 26.) Ils pratiquaient encore des choses beaucoup plus parfaites. Ils se retiraient dans les endroits les plus écartés de la ville, et ils menaient une abstinence si rigoureuse, que les infidèles mêmes admiraient leur incroyable austérité.
Ils s'appliquaient jour et nuit, avec tant d'ardeur, à la méditation des saintes Écritures, à la prière et au travail des mains, qu'ils en perdaient le désir et la pensée même de la nourriture, et c'était après deux ou trois jours seulement, que la faiblesse de leur corps les obligeait à prendre quelque chose, plutôt par nécessité que par plaisir; et ils ne le faisaient pas avant le coucher du soleil, afin d'employer sa lumière à leurs saintes études et de prendre soin de leurs corps pendant la nuit seulement, tout en se livrant à d'autres pratiques d'une admirable piété. Ceux qui n'ont pas appris ces choses dans le pays même, peuvent les voir dans l'histoire ecclésiastique1.
Lorsque la perfection de ces premiers chrétiens était encore présente à la mémoire de leurs successeurs, et que la foi ardente des religieux n'était pas affaiblie par le relâchement des communautés trop nombreuses, nos Pères, dans l'intérêt de ceux qui devaient venir après eux, se réunirent pour fixer l'office qui serait célébré chaque jour dans les monastères, afin de laisser à leur postérité cet héritage de paix et de piété à l'abri de toute discussion. Ils craignaient que la récitation publique des prières ne fût une occasion de trouble et de division parmi ceux qui devaient avoir le même but, et que la différence qui s'introduirait dans les offices ne devînt, par la suite, une source déplorable d'erreurs, d'envie et de séparation.
Dans cette sainte assemblée, la ferveur de chacun lui faisait oublier la faiblesse des autres, et l'on proposait des choses que l'ardeur de la piété semblait rendre faciles, sans s'inquiéter si elles étaient possibles à la généralité des frères parmi lesquels se trouvent nécessairement beaucoup d'infirmes. On voulait adopter un grand nombre de psaumes : les uns en proposaient cinquante, les autres soixante; d'autres même en demandaient davantage. Cette sainte contestation au sujet de la règle dura jusqu'au soir, et quand vint l'heure de réciter les prières accoutumées, quelqu'un se leva au milieu de l'assemblée pour chanter les psaumes. Tous les religieux s'assirent alors, comme c'est encore l'usage en Égypte, et regardèrent celui qui officiait, en s'unissant à lui de tout leur cœur. Lorsqu'il eut récité onze psaumes d'un ton égal et sans s'arrêter, en les séparant seulement par une prière, il en ajouta un douzième qu'il finit par l'alléluia. Puis il disparut tout à coup aux yeux de tous, terminant ainsi la discussion et l'office.
On peut consulter sur ce sujet: Eusèbe de Césarée, l. II ch. XV, XVI; Sozomène, I, XII, XIII; Cassiodore, Hist. tripart., III, I; Nicéphore, I, XV; IX, XIV. ↩
