CHAPITRE XIV. QU’EST-CE QUE LE TEMPS?
17. Il n’y a donc pas eu de temps où vous n’ayez rien fait, puisque vous aviez déjà fait le temps. Et nul temps ne vous est coéternel, car vous demeurez; et si le temps demeurait, il cesserait d’être temps. Qu’est-ce donc que le temps? Qui pourra le dire clairement et en peu de mots? Qui pourra le saisir même par la pensée, pour traduire cette conception en paroles? Quoi de plus connu, quoi de plus familièrement présent à nos entretiens, que le temps? Et quand nous en parlons, nous concevons ce que nous disons; et nous concevons ce qu’on nous dit quand on nous en parle.
Qu’est-ce donc que le temps? Si personne ne m’interroge, je le sais; si je veux répondre à cette demande, je l’ignore. Et pourtant j’affirme hardiment, que si rien ne passait, il n’y aurait point de temps passé; que si rien n’advenait, il n’y aurait point de temps à venir, et que si rien n’était, il n’y aurait point de temps présent. Or, ces deux temps, le passé et l’avenir, comment sont-ils, puisque le passé n’est plus, et que l’avenir n’est pas encore? Pour le présent, s’il était toujours présent sans voler au passé, il ne serait plus temps; il serait l’éternité. Si donc le présent, pour être temps, doit s’en aller en passé, comment pouvons-nous dire qu’une chose soit, qui ne peut être qu’à la condition de n’être plus? Et peut-on dire, en vérité, que le temps soit, sinon parce qu’il tend à n’être pas?
