CHAPITRE XVIII. COMMENT LE PASSÉ ET L’AVENIR SONT PRÉSENTS.
23. Permettez-moi, Seigneur, de chercher encore. O mon espérance, éloignez le trouble de mes efforts. S’il est vrai que l’avenir et le passé soient, où sont-ils? Si cette connaissance est encore au-dessus de moi, je sais pourtant que, où qu’ils soient, ils n’y sont ni passé, ni futur, mais présent : le futur, comme tel, n’y est pas encore; le passé, comme tel, n’y est déjà plus. Où donc qu’ils soient, quels qu’ils soient, ils ne sont qu’en tant que présent. Ainsi dans un récit véritable d’événements passés, la mémoire ne reproduit pas les réalités qui ne sont plus, mais les mots nés des images qu’elles ont laissées en passant par nos sens, comme les tracs de leurs pas. Mon enfance évanouie est dans le passé, évanoui comme elle. Mais quand j’y pense, quand j’en parle, je revois son (480) image dans le temps présent, parce qu’elle es encore dans ma mémoire.
Est-ce ainsi que se prédit l’avenir? Est-ce eu présence d’images, messagères de ce qui n’es pas encore? Mon Dieu, je confesse ici mou ignorance. Mais ce dont je suis certain, c’es que d’ordinaire nous préméditons nos actes futurs; que cette préméditation est présente, tandis que l’acte prémédité, en tant que futur, n’est pas encore. Notre préméditation commençant à se réaliser, l’acte sera, non plus à venir muais présent.
24. Quel que soit donc ce secret pressentiment de l’avenir, on ne saurait voir que ce qui est. Or, ce qui est déjà, n’est point à venir, mais présent. Ainsi voit l’avenir, ce n’est pas voir ces réalités futures qui ne sont pas encore, mais peut-être les causes et les symptômes qui existent déjà; prémices de l’avenir déjà présentes aux regards de la pensée qui, le conçoit; et cette conception est déjà dans l’esprit, et elle est présente à la vision prophétique.
Une preuve éloquente entre tant de témoignages. Je vois l’aurore et je prédis le lever du soleil. Ce que je vois est présent, ce que je prédis est futur; non pas le soleil qui est déjà, mais son lever qui n’est pas encore : et si mon esprit ne se l’imaginait, comme au moment où j’en parle, cette prédiction serait impossible. Or, cette aurore, que je vois dans le ciel, n’est pas le lever du soleil, quoiqu’elle le devance, non plus que cette image que je vois dans mon esprit, mais leur présence coïncidente me fait augurer le phénomène futur. Ainsi, l’avenir n’est pas encore; donc il n’est pas, donc il ne peut se voir; mais il se peut prédire d’après des circonstances déjà présentes et visibles.
