XXXIV.
Se faire des amis avec des richesses d'iniquité 1. — Dans l'économe que son Maître a mis hors d'emploi, et qu'il loue d'avoir pourvu à son avenir, nous ne devons pas prendre tout comme une règle de conduite à suivre. Car nous ne devons pas dérober à notre maître, pour employer en aumônes le fruit de nos larcins, et les amis par qui. nous voulons être reçus dans les tabernacles éternels, ne doivent pas s'entendre de ceux qui sont redevables à l'égard du Seigneur notre Dieu : ce sont les justes et les saints qui sont figurés ici, et qui introduiront au céleste séjour ceux qui les auront secourus de leurs biens terrestres, dans le besoin; et c'est d'eux qu'il est.dit, que si quelqu'un donne seulement à boire un verre d'eau froide à l'un d'entre eux, à cause de sa qualité de disciple, il ne perdra point sa récompense 2. Ces sortes de similitudes tirent aussi toute leur force des contraires, et nous donnent à entendre que si l'économe infidèle a pu recevoir un tel éloge de son Maître, à combien plus forte raison les hommes qui accomplissent les mêmes oeuvres, en se conformant au commandement divin, seront-ils plus agréables au Seigneur. C'est ainsi qu'en parlant du juge inique importuné par une veuve, notre Sauveur élève la pensée jusqu'au Souverain Juge, dont la justice ne peut cependant sous aucun rapport être assimilée à celle de ce juge d'iniquité 3. Quant aux cent barils d'huile, pour lesquels l'économe fait souscrire cinquante au débiteur, et aux cent mesures de froment réduites à quatre-vingt , je pense que cela n'a d'autre but que d'exprimer ce qui doit être fait en faveur de l'Eglise par chacun de nous à (exemple de ce que faisaient les Juifs à l'égard des Lévites, afin que notre justice surpasse celle des Scribes et des Pharisiens 4: c'est-à-dire que les Juifs donnant la dîme de leurs biens, nous devons donner la moitié des nôtres, comme fit Zachée, qui donna la moitié, non de ses revenus, mais de ses biens 5, ou que, du moins, nous devons doubler la dîme, afin de surpasser par cette double offrande celle des Juifs. Cet argent, dont la possession n'est que temporaire, Notre-Seigneur l'appelle Mammon d'iniquité , parce que Mammon signifie richesse, et que ces mêmes richesses, appartiennent à des hommes d'iniquité qui mettent en elles l'espérance et la plénitude de leur bonheur : pour les justes, quand il les possèdent, c'est, il est vrai, une ressource ; mais leur trésor, ils n'en ont point d'autre que les richesses célestes et spirituelles, à l'aide desquelles, ils pourvoient spirituellement à leurs besoins, écartent la misère et l'indigence et s'assurent une immense félicité.
