17.
Vous me rappelez ensuite ce que j'ai écrit dans ma réponse à Porphyre sur l'Époque de l'avènement de la religion chrétienne. Dans cette lettre, je ne me proposais aucunement de me livrer sur la grâce à une discussion longue et approfondie, et pourtant ce que j'en ai dit était suffisant pour la circonstance et pouvait très-facilement être développé par d'autres passages de nos écrits. an me demandait : « Pourquoi Jésus-Christ a-t-il tardé si longtemps à venir sur la terre ? » Répondant à cette question, je disais entre autres choses : « On n'objecte point contre le Christ que sa doctrine ne soit point suivie de tout le monde; on sent bien que la même objection pourrait s'adresser aux philosophes et aux dieux; mais que répondront nos païens, si, sans préjudice des raisons cachées peut-être dans les profondeurs de la sagesse et de la science divine, et d'autres causes que les sages peuvent rechercher, nous disons, pour abréger cette discussion, a que le Christ a voulu se montrer au milieu des hommes et leur prêcher sa doctrine dans le temps et dans les lieux où il savait que devaient être ceux qui croiraient en lui? Car il prévoyait que, dans les temps et les lieux où son Evangile n'a pas été prêché, les hommes auraient reçu cette prédication comme l'ont fait beaucoup de ceux qui, l'ayant vu lui-même pendant qu'il était sur la terre, n'ont pas voulu croire en sa mission, même après des morts ressuscités par lui : comme le font aussi de notre temps beaucoup d'hommes qui, malgré l'évident accomplissement des prophéties, persistent dans leur incrédulité, et aiment mieux résister par des finesses humaines que de céder à l'autorité divine après des témoignages si clairs, si manifestes, si sublimes. Tant que l'esprit de l'homme est petit et faible, il doit s'incliner devant la divine vérité. Si donc le Christ n'a vu qu'une grande infidélité dans les premiers temps a de l'univers, quoi d'étonnant qu'il n'ait voulu ni se montrer ni parler à des hommes qu'il savait devoir ne croire ni à ses discours ni à ses miracles? Il est permis de penser que, à ces premières époques, tous les hommes eussent été tels, à en juger par le nombre étonnant d'incrédules que la vérité a rencontrés depuis l'avènement du Christ jusqu'à nos jours.
Cependant depuis le commencement du genre humain, il n'a jamais manqué d'être annoncé par les Prophètes, avec plus ou moins de lumière selon les temps, et avant son incarnation, il y a toujours eu des hommes qui ont cru en lui, depuis Adam jusqu'à Moïse, non-seulement parmi le peuple d'Israël qui, par un mystère particulier, a été une nation prophétique, mais encore parmi les autres nations. En effet, dans les saints livres des Hébreux, on en cite quelques-uns à qui Dieu fit part de ce mystère; ce fut dès le temps d'Abraham ; et ces privilégiés n'appartenaient ni à sa race, ni au peuple d'Israël, et ne tenaient en rien au peuple élu. Pourquoi donc ne croirions nous pas qu'il y eut d'autres privilégiés chez d'autres peuples et en d'autres pays, quoique l'autorité de ces livres ne nous eu ait pas transmis le souvenir? C'est pourquoi le salut de cette religion, seule véritable et seule capable de promettre le vrai salut, n'a jamais manqué à quiconque en a été digne, et n'a manqué qu'à celui qui ne le méritait pas; et depuis le commencement de la race humaine jusqu'à la fin des temps, elle a été et sera prêchée aux uns pour leur récompense, aux autres pour leur condamnation. Il en est à qui Dieu n'en a rien révélé, mais il prévoyait que ceux-là ne croiraient pas; et ceux à qui la religion a été annoncée, quoiqu'ils ne dussent pas croire, ont servi d'exemple aux autres. Mais quant aux hommes à qui elle est annoncée et qui doivent croire; leur place est marquée dans le royaume des cieux et dans la société des saints anges1 ».
Epit. CII, n. 14, 15. ↩
