25.
Voici peut-être comment ils raisonnent Les péchés sont pardonnés à ceux qui font pénitence ; si donc Dieu permet que des enfants meurent sans baptême, c'est parce qu'il prévoit qu'en vivant ils ne feraient pas pénitence; quant à ceux qui meurent après leur baptême, Dieu prévoyait qu'ils auraient fait pénitence s'ils fussent restés sur la terre. Mais ceux qui tiendraient ce langage devraient comprendre que, d'après leur système, les enfants morts sans baptême sont punis, non pas à cause du péché originel, mais à cause des péchés que ces enfants auraient commis s'ils eussent vécu; comme aussi les enfants baptisés reçoivent la rémission, non pas du péché originel, mais des péchés actuels qu'ils auraient commis sur la terre. La différence viendrait uniquement de ce que, parmi ces enfants, les uns devaient et les autres ne devaient pas faire pénitence; dans cette prévision Dieu accorderait le baptême aux premiers et le refuserait aux seconds.
Si les Pélagiens avaient connaissance de cette distinction, la négation du péché originel ne les mettrait plus dans la nécessité de suer sang et eau pour chercher aux enfants, en dehors du royaume de Dieu, je ne sais quel séjour de bonheur; surtout quand ils sont convaincus que ces enfants ne peuvent avoir la vie éternelle, n'ayant ni mangé la chair, ni bu le sang de Jésus-Christ1, et que le baptême qui leur est conféré ne peut être qu'inutile, puisque ces enfants n'ont aucun péché, et que ce sacrement est destiné à la rémission des péchés. Ils continueraient, sans doute, à nier l'existence du péché originel, mais ils saisiraient avec avidité l'occasion de dire que c'est à cause de leurs mérites futurs, s'ils avaient vécu, que ces enfants, avant de mourir, obtiennent ou n'obtiennent pas la faveur du baptême ; ils ajouteraient que test à cause de ces mêmes mérites futurs qu'ils reçoivent ou ne reçoivent pas le corps et le sang de Jésus-Christ, sans lesquels ils ne peu vent avoir la vie éternelle; que, malgré leur exemption complète de tout péché originel, ils reçoivent néanmoins dans le baptême une véritable rémission des péchés, puisque Dieu leur pardonne les péchés dont il prévoit qu'ils auraient fait pénitence. Tout cela prouverait facilement qu'ils ont raison, quand ils nient l'existence du péché originel, et qu'ils soutiennent que la grâce ne nous est donnée que selon nos mérites. Pourtant il est aisé de comprendre que des mérites futurs, mais qui ne doivent pas se réaliser, ne sont nullement des mérites. Par conséquent, les Pélagiens n'ont pu déduire toutes ces conclusions, et les personnages dont vous me parlez n’auraient pas dû surtout en formuler les principes. Comment supposer, en effet, que les Pélagiens aient reconnu la fausseté et l'absurdité de ces principes, qui pourtant auraient été reconnus comme vrais par des hommes qui condamnent avec nous, et au nom de à foi catholique, l'erreur des Pélagiens?
Jean, VI, 54. ↩
