1.
Dans un livre précédent, où nous traitions du commencement de la foi, nous avons dit quelques mots de la persévérance: il s'agit maintenant de traiter ce sujet d'une manière plus complète. Or, nous prétendons que la persévérance, par laquelle on demeure jusqu'à la fin en Jésus-Christ, est un don de Dieu. Par le mot de fin, je désigne ici le terme de cette vie où nous ne courons d'autre péril que celui de tomber. Tant qu'un homme vit sur la terre, nous ignorons s'il a reçu ce don précieux. Car, s'il vient à tomber avant de mourir, on dit aussitôt qu'il n'a point persévéré, et on le dit en toute vérité. Comment, en effet, pourrait-on dire que celui qui n'a point persévéré a cependant reçu ou possédé la persévérance? Si quelqu'un, après avoir vécu dans la chasteté, vient à déchoir de cet état et à tomber dans le vice opposé; s'il perd de la même manière la justice, la patience, la foi même, on dit avec raison qu'il a possédé, mais qu'il ne possède plus ces vertus : il a été chaste, il a été juste, patient, fidèle autrefois; mais depuis qu'il a cessé de pratiquer ces vertus, il a cessé d'être ce qu'il était: comment donc un homme qui n'a point persévéré a-t-il pu posséder la persévérance , puisque ceux-là seuls possèdent ce don, qui persévèrent réellement? Et qu'on ne vienne point m'opposer ce raisonnement : Si un homme a vécu dix années, par exemple, depuis qu'il a embrassé la foi, et que son apostasie date seulement du milieu de ce temps, ne peut-on pas dire qu'il a persévéré pendant cinq années? Si l'on croit pouvoir employer e mot de persévérance dans ce sens, je ne dispute point sur les mots : mais on ne peut en aucune manière dire que celui qui n'a point persévéré jusqu'à la fin, a cependant possédé cette persévérance dont nous traitons ici, et par laquelle on persévère réellement jusqu'à la fin en Jésus-Christ. Un homme qui a été chrétien seulement pendant un an, ou même pendant aussi peu de temps que l'on voudra, mais qui a vécu chrétiennement jusqu'à sa mort, a bien plus de part à cette persévérance que celui qui, après avoir été chrétien pendant de longues années, se laisse ébranler dans sa foi quelques instants avant de mourir.
