6.
La troisième demande est ainsi conçue : « Que votre volonté soit faite au ciel et sur la terre » ; ou bien, comme portent la plupart des textes, et comme les fidèles récitent plus communément : « Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel », c'est-à-dire, suivant le plus grand nombre des interprètes ; que nous fassions nous-mêmes votre volonté comme les saints anges l'accomplissent. Le docteur et martyr Cyprien veut que, par les mots de ciel et de terre, on entende l'esprit et la chair; et, suivant lui, nous demandons ici la grâce de faire la volonté de Dieu, en triomphant des révoltes de celle-ci contre celui-là. Cependant il a vu aussi dans ces paroles un autre sens conforme à la foi la plus saine, et que nous avons déjà exposé précédemment : Ces paroles, dit-il, signifient que les fidèles, revêtus de l'homme céleste et auxquels le nom de ciel s'applique avec justesse, prient pour les infidèles qui sont encore terre et qui n'ont reçu dans leur première naissance que l'homme terrestre. En s'exprimant ainsi, il fait voir de la manière la plus évidente que le commencement même de la foi est un don de Dieu, par cette raison que la sainte Eglise prie non-seulement pour les fidèles, afin que la foi s'accroisse ou persévère en eux, mais aussi pour les infidèles, afin qu'ils commencent à avoir la foi qu'ils n'avaient en aucune manière, et contre laquelle même leurs coeurs nourrissaient des sentiments hostiles. Mais il ne s'agit pas ici du commencement de la foi, dont nous avons déjà parlé longuement dans le livre précédent : nous discutons au contraire sur cette persévérance qu'il faut avoir jusqu'à la fin, et que les saints eux-mêmes, quoiqu'ils accomplissent la volonté de Dieu, demandent encore en disant dans l'oraison : « Que votre volonté soit faite ». Car, puisque cette volonté est déjà accomplie en eux, lorsqu'ils demandent qu'elle s'accomplisse encore, ils demandent par là même de persévérer dans ce qu'ils ont commencé d'être. On pourrait, à la vérité, dire ici : Les saints ne demandent pas que la volonté de Dieu soit faite dans le ciel, mais bien qu'elle soit faite sur la terre comme au ciel; en d'autres termes, que la terre imite le ciel, c'est-à-dire que l'homme imite l'ange, que l'infidèle imite le fidèle : et par là môme les saints demandent que ce qui n'est pas encore soit, et non pas que ce qui est, persévère. Car, à quelque degré de sainteté que les nommes soient parvenus, ils ne sont pas encore égaux aux anges de Dieu conséquemment la volonté de Dieu ne s'accomplit pas encore en eux comme dans le ciel. Si tel est réellement le sens de ces paroles, d'une part nous demandons que les hommes cessent d'être infidèles pour devenir fidèles, et alors ce n'est point la persévérance, mais le commencement qui semble être l'objet de nos voeux ; mais, d'autre part, nous demandons aussi que les hommes accomplissent la volonté divine avec autant de perfection que les anges de Dieu; et quand les saints récitent ces paroles, il est évident que leur prière a pour objet la persévérance; car personne ne parvient à cette béatitude souveraine qui existe dans le royaume, s'il n'a persévéré jusqu'à la fin dans la sainteté qu'il a commencé à pratiquer sur la terre.
