2.
Ceci établi , voyons si cette persévérance dont il est dit : « Celui qui aura persévéré jusqu'à la fin sera sauvé1 », est un don de Dieu. Si elle n'est pas un don de Dieu, comment l'Apôtre a-t-il pu dire avec vérité : « Par rapport au Christ, il vous a été donné, non-seulement de croire en lui, mais encore de souffrir pour lui2? » Dans ce passage il s'agit de deux choses différentes, dont l'une a rapport au commencement et l'autre à la fin, mais qui toutes deux cependant sont des dons de Dieu, puisque l'Ecriture enseigne que l'une et l'autre ont été données, comme nous l'avons dit déjà précédemment. A quel moment, en effet , commence-t-on véritablement à être chrétien, si ce n'est lorsque, pour la première fois, on croit en Jésus-Christ? Et pour un chrétien, quelle autre fin meilleure que de souffrir pour Jésus-Christ? Or, par rapport à la foi en Jésus-Christ, nous avons rencontré je ne sais quelle contradiction ; on a prétendu que l'accroissement seul, et non point le commencement de la foi, devait être appelé un don de Dieu : nous avons, avec le secours du Seigneur, réfuté suffisamment et surabondamment cette opinion. Mais comment peut-on dire que la persévérance jusqu'à la fin en Jésus-Christ n'est pas un don, accordé gratuitement à celui à qui il est donné de souffrir pour Jésus-Christ, ou, pour employer une expression plus énergique, à celui à qui il est donné de mourir pour Jésus-Christ?
L'apôtre Pierre établit, lui aussi, que cette persévérance est un don de Dieu, quand il dit : « Il vaut mieux souffrir, si telle est, la volonté de Dieu, en faisant le bien qu'en faisant le mal3 ». En disant : « Si telle est la volonté de Dieu, » il fait voir clairement que les souffrances endurées pour Jésus-Christ ; sont un don de la, part de Dieu, mais un don qui n'est pas même accordé à tous les saints. Car ceux de qui la volonté divine, n'exige pas qu'ils subissent .l'épreuve glorieuse des souffrances corporelles, n'obtiennent pas moins le royaume de Dieu, s'ils persévèrent jusqu'à la fin en Jésus-Christ. On dira peut-être que cette persévérance jusqu'à la fin en Jésus-Christ n'est point donnée à ceux qui meurent en Jésus-Christ, soit par l'effet d'une maladie corporelle, soit par suite d'un accident quelconque ; par la raison que ce don impose des sacrifices bien plus pénibles à ceux qui souffrent la mort même pour Jésus-Christ. La persévérance devient en effet beaucoup plus difficile, quand on se voit persécuté par des hommes qui ont précisément pour but d'empêcher qu'on ne persévère, et qu'on se trouve ainsi obligé de souffrir la mort même pour persévérer. D'où il suit, que cette dernière sorte de persévérance exige plus de sacrifices que la première : mais Celui à qui rien n'est difficile peut facilement donner l'une et l'autre. Et Dieu les a promises toutes deux, quand il a dit : « Je mettrai dans leur coeur la crainte de mon nom , afin qu'ils. ne s'éloignent point de moi4 ». Que signifient ces paroles, sinon : La crainte de mon nom, que je mettrai dans leur coeur, sera si vive et si profonde, qu'ils s'attacheront à moi avec persévérance ?
