Chapitre VI. DΕ L'IMAGINATION.
L'imagination, φανταστικὸν, est une faculté de la partie irraisonnable de l'âme, dont l'exercice est lié avec celui des sens. L'imaginaire, φανταστὸν, est l'objet de l'imagination, comme le sensible est l'objet de la sensation. La fantaisie, φαντασία, est l'affection de la partie irraisonnable de l'âme qui est excitée par l'imaginaire. L'illusion, φάντασμα, est l'apparence sans réalité, qui est produite, dans la partie irraisonnable de l'âme, par le vain objet de l'imagination.
Les Stoïciens présentent ainsi, ces quatre choses : φαντασία, φανταστὸν, φανταστικὸν, φάντασμα. La première, φαντασία, est l'affection de l'âme qui se manifeste elle-même avec l'objet qui la produit : car, lorsque nous voyons de la couleur blanche, cet aspect donne lieu à une affection dans notre âme. En effet, de même qu'il se produit une affection dans les organes des sens, quand ils entrent en 94 exercice, il s'en produit aussi une dans notre âme, quand elle prend connaissance d'une chose, car elle en reçoit alors l'image en elle-même. La seconde, φανταστὸν, est l'objet sensible de la représentation qui donne lieu à l'affection de l'âme, comme la couleur blanche, et tout ce qui peut affecter Pâme. La troisième, φανταστικὸν, est la vaine apparence, sans objet réel. Enfin, la quatrième, φάντασμα, est ce qui nous attire vers la vaine apparence, comme ou le voit dans les personnes atteintes de folie ou de mélancolie. La différence d'opinion chez ces philosophes se borne donc au seul changement des noms.
Les organes de l'imagination sont les ventricules antérieurs du cerveau, l'esprit vital qui y est contenu, les nerfs qui en dépendent, et qui sont imprégnés d'esprit vital, enfin, l'appareil entier des organes des sens.
Il y a cinq organes des sens : mais la perception est une, et elle appartient à l'âme : c'est par cette faculté que l'âme prend connaissance des impressions reçues et transmises par les organes. Par l'organe du tact, qui est le plus terrestre et le plus corporel, l'âme perçoit la nature terrestre; par celui de la vue, qui est le plus brillant, elle perçoit les choses brillantes; de même par celui de l'ouïe, qui est le plus en rapport avec l'air, elle perçoit les vibrations de l'air ; car le son n'est pas autre chose que l'air, ou la percussion de l'air; et par celui du goût, 95 qui est spongieux et humide, elle perçoit les saveurs. Car la nature a voulu que chacune des choses sensibles fut perçue au moyen d'un organe qui lui fût approprié.
En conséquence, puisqu'il y a quatre éléments, il aurait dû y avoir aussi quatre organes de la perception. Mais les vapeurs et les odeurs forment entre l'air et l'eau une sorte d'intermédiaire qui est plus lourd que l'air et plus léger que l'eau ; (cela se voit évidemment par le rhume de cerveau, car, bien que les personnes qui en sont atteintes puissent aspirer l'air, elles ne perçoivent cependant pas les exhalaisons odorantes, parce que ces exhalaisons sont plus grossières, et qu'elles sont arrêtées par l'obstruction de l'organe;) la nature a donc établi un cinquième organe, qui est celui de l'odorat, afin qu'aucune des choses que nous pouvons connaître n'échappât pas à nos sens.
Le sens n'est point une modification, mais la perception d'une modification. Les organes en reçoivent l'impression, et les sens en prennent connaissance.
Les mots Sens, αἴσθησις, et Organe, αἰσθητήριον, se prennent souvent l'un pour l'autre. Mais l'on entend proprement par sens la perception des choses sensibles : toutefois, comme cette définition parait convenir moins au sens qu'à son exercice, on la remplace par celle-ci : Le sens est l'esprit intelligent dirigé de l'âme vers les 96 organes1. On dit encore que le sens est la faculté de l'âme qui perçoit les choses sensibles. Quant à l'organe du sens, c'est l'instrument à l'aide duquel l'âme perçoit ces choses.
Platon dit que le sens consiste dans le concours du corps et de l'âme vers les choses externes. En effet, la faculté appartient à l'âme, et l'organe au corps; mais tous les deux concourent à la connaissance des choses externes au moyen des impressions produites par ces choses.
Il y a dans l'âme des parties qui sont comme des serviteurs ou des satellites, et d'autres qui sont comme des chefs, et qui semblent occuper le premier rang. Les parties qui dirigent, sont celles dans lesquelles se trouvent l'intelligence et la science; les parties qui obéissent, sont la faculté de sentir, celle de se mouvoir, et celle de parler. Car le mouvement et la voix obéissent promptement, et presque instantanément aux ordres de la raison : à peine avons-nous une volonté, que nous nous mettons en mouvement pour l'exécuter; et nous ne pourrions apercevoir d'intervalle entre la volonté et l'action, comme on peut s'en assurer par le mouvement des doigts. Parmi les choses subordonnées à l'intelligence, on compte encore certains phénomènes naturels : tels sont, par exemple, ceux qui portent le nom d'affections .
πνεΰμα νοερὸν ἀπὸ τὸν ἡγεμονικοῦ ἐπὶ τὰ ὄργανα τεταμένον. ↩
