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Ensuite le prophète Daniel, après avoir parcouru les iniquités des Juifs, parle de la peine qu'ils ont subie, et voulant par là même rappeler Dieu à la miséricorde, il ajoute : Et cette malédiction, qui est décrite dans la loi de Moïse, serviteur de Dieu, est tombée sur nous, parce que nous avons péché. (Dan. IX, 11.) Et quelle est cette malédiction? voulez-vous que nous la citions en propres termes ? Si vous ne servez pas le Seigneur votre Dieu, je ferai venir contre vous un peuple fier et insolent dont vous n'entendrez pas la langue, et vous serez réduits à un petit nombre. (Deut. XXVIII, 50.) Animés des mêmes sentiments, les trois enfants de Babylone annonçaient qu'ils avaient été punis pour leurs mauvaises actions, et, reconnaissant devant Dieu qu'ils étaient coupables des fautes communes, ils disaient : Vous nous avez livrés, Seigneur, entre les mains de nos ennemis qui sont des pervers, des scélérats, des contempteurs de votre loi, entre les mains d'un prince le plus injuste, le plus méchant qui soit sur la terre. (Dan. III, 32.) Vous voyez l'accomplissement de la malédiction qui dit : Vous serez réduits à un petit nombre, j'amènerai contre vous un peuple fier et insolent. C'est encore ce que fait entendre Daniel : Nous avons été assaillis, dit ce prophète, de maux tels qu'on n'en a jamais vu sous le ciel; tous ces maux sont tombés sur nous selon qu'il est écrit dans la loi de Moïse. (Dan. IX, 12.) Et quels sont ces maux? Les mères ont mangé leurs propres enfants. (Deut. XXVIII, 53.) C'est ce que prédit Moïse, et ce que Jérémie annonce être arrivé. La femme tendre et délicate, dit Moïse, qui ne pouvait pas seulement marcher, qui pouvait à peine poser un pied sur la terre à cause de son extrême mollesse et de sa délicatesse, se nourrira d'un mets horrible, mangera le fruit de ses propres entrailles. Les femmes naturellement compatissantes, dit Jérémie, ont égorgé leurs enfants de leurs propres mains pour en manger la chair. (Jér. Lament. IV, 10.) Cependant Daniel, après avoir rapporté les fautes des Juifs, après avoir parlé de la peine qu'ils ont subie, ne croit pas pour cela qu'ils doivent être sauvés. Voyez donc quelle est la vertu de ce fidèle serviteur. Il montre qu'ils n'ont pas été punis selon la gravité de leurs fautes, que les maux qu'ils ont soufferts n'ont pu effacer leurs péchés, après quoi il a recours à la miséricorde de Dieu, à sa bonté accoutumée pour les hommes : Seigneur notre Dieu, dit-il, qui avez tiré votre peuple de la terre d'Égypte, et qui vous êtes fait alors un nom qui dure encore aujourd'hui, nous reconnaissons maintenant que nous avons péché, que nous avons commis l'iniquité. (Dan. IX, 15.) Comme alors, dit-il, vous n'avez pas sauvé les Juifs pour leurs propres mérites, mais parce que vous avez vu leur affliction et leur détresse, que vous avez entendu leurs cris; de même à présent délivrez-nous de nos maux à cause de votre bonté et de votre amour pour les hommes, puisque nous n'avons pas d'autre titre pour être sauvés. Il déplore ensuite les malheurs de sa patrie, et, pour rendre le tableau plus touchant, il présente la ville même comme une femme captive : Mon Dieu, dit-il , faites reluire votre face sur votre sanctuaire, abaissez votre oreille jusqu'à vos serviteurs, écoutez-nous, ouvrez les yeux, considérez la ruine de votre ville, d'une ville dans laquelle votre nom a été invoqué. (Dan. IX, 17.) Lorsqu'après avoir promené de tous côtés ses regards, il n'a trouvé aucun homme qui puisse apaiser le courroux de Dieu, il a recours aux édifices mêmes, il présente la ville de Jérusalem, il met sous les yeux sa désolation, et conclut sa prière, comme on le voit par la suite, en s'efforçant de rendre Dieu propice. Mais il faut revenir à notre sujet; car c'est une digression que je me suis permise pour reposer vos esprits fatigués d'une longue discussion. Revenons donc au point dont nous nous sommes écartés, et prouvons que les maux qui devaient arriver aux Juifs leur ont été prédits avec toutes leurs circonstances. Je viens de montrer que les deux premières captivités leur avaient été annoncées par des prophètes, et que par conséquent ils n'ont pas dû être surpris quand elles ont eu lieu.
Il nous reste à parler de leur troisième captivité, pour nous occuper ensuite de leur captivité présente, et montrer qu'aucun prophète ne leur a marqué le terme, ne leur a promis la fin de leurs maux actuels. Quelle est donc la troisième captivité ? celle qui est arrivée sous Antiochus Epiphane. Alexandre, roi de Macédoine, s'était rendu maître de l'empire de Darius, roi de Perse, qu'il avait vaincu; il eut pour successeurs, après sa mort, quatre princes. Longtemps après, Antiochus, descendant d'un de ces princes, brûla le temple, pilla le Saint des saints, emporta les vases sacrés, s'assujettit les Juifs, et détruisit tout leur empire.
