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Et quand ces menaces ont-elles reçu leur effet? quand les prophéties et l'onction sainte ont-elles entièrement disparu de manière à ne jamais revenir? Quand nous nous tairions, les pierres elles-mêmes crieraient : tant les faits parlent hautement ! Non, il est impossible de trouver dans l'histoire des Juifs une autre époque où ces événements aient eu lieu, excepté celle qui dure encore, qui est déjà fort longue, et qui le deviendra de plus en plus. Le Prophète poursuit, et s'exprimant avec plus d'exactitude encore: Sachez donc ceci, dit-il, et gravez-le dans votre mémoire : Depuis l'ordre qui sera donné pour rebâtir Jérusalem jusqu'au Christ, chef de mon peuple, il y aura soixante-neuf semaines. (Dan. IX, 25.) Suivez-moi attentivement : c'est ici le point capital de notre question. Soixante-neuf semaines font quatre cent quatre-vingt-trois ans; car ce ne sont pas des semaines de jours ni de mois dont parle le Prophète, mais des semaines d'années. Depuis Cyrus jusqu'à Antiochus-Epiphane, et à la captivité qui arriva sous ce prince, on compte trois cent quatre-vingt-quatorze ans. Il annonce donc que ce n'est pas de cette seconde destruction du temple qu'il parle, mais d'une troisième qui eut lieu sous Vespasien et Tite. Il avance dans les temps, et il nous apprend d'où il faut commencer à compter, sans doute depuis le jour où les Juifs sont revenus : Depuis l'ordre, dit-il, qui sera donné pour rebâtir Jérusalem. Or Jérusalem n'a pas été rebâtie sous Cyrus, mais sous Artaxercès-Longue-Main. Lorsque les Juifs furent de retour, Câmbyse monta sur le trône; les mages régnèrent après lui; après les mages, Darius, fils d'Hystape ; après Darius, Xercès son fils; après Xercès, Artabane, et après ce dernier prince, Artaxercès-LongueMain régna sur la Perse. Ce fut sous son règne, dans la vingtième année, que Néhémias, étant de retour, rétablit Jérusalem. C'est ce qu'Esdras raconte dans un détail fort exact. Si donc, à partir de cette époque, nous comptons quatre cent quatre-vingt-treize années, nous arriverons à la dernière destruction de Jérusalem : la place et l'enceinte des murs, dit le même prophète, seront rebâties de nouveau. Du moment donc que Jérusalem aura été rétablie et aura repris son ancienne forme, de ce moment comptez soixante et dix semaines, et vous verrez que la captivité présente ne doit plus avoir de terme. Daniel s'exprime plus clairement encore dans ce qui suit, et déclare que les maux actuels des Juifs n'auront pas de fin : Après soixante et dix semaines, dit-il, l'onction sainte sera abolie ; on ne rendra plus de jugement dans Jérusalem; un peuple avec son chef détruira la ville et le sanctuaire; tout périra comme dans un déluge, sans qu'il reste de racine dont il puisse sortir de rejeton, et la guerre se terminera par une ruine totale. Parlant encore de la même captivité, il ajoute : L'encens et les offrandes seront abolis, de plus l'abomination de la désolation sera dans le temple, et la désolation s'étendra jusqu'à la consommation des siècles. Insistons sur ces dernières paroles, la désolation s'étendra jusqu'à la consommation des siècles, et observons que le Prophète appelle abomination de la désolation, la statue qu'avait placée dans l'intérieur du temple le prince qui avait renversé la ville. Aussi Jésus-Christ, qui est venu selon la chair après Antiochus, Jésus-Christ, annonçant la dernière captivité, et montrant que c'était elle qu'avait prédite le Prophète, s'exprime de la sorte : Quand donc vous verrez que l'abomination de la désolation, prédite par le prophète Daniel, sera dans le lieu saint, que celui qui lit entende ce qu'il lit. Comme toute figure et toute représentation d'homme était appelée chez les juifs abomination, Daniel, qui exprime par cette figure la statue qui fut placée dans le temple, annonce dans quel temps et sous quel prince la captivité doit avoir lieu. Josèphe lui-même, comme nous l'avons montré plus haut, atteste que la prophétie parle des Romains. Que peuvent donc répondre les Juifs lorsqu'il est démontré que les prophètes ont marqué un terme à leurs captivités précédentes, tandis que, loin d'en marquer aucun à leur captivité actuelle, ils ont annoncé au contraire que la désolation s'étendrait jusqu'à la consommation des siècles ?
Mais nous allons tirer des faits mêmes un témoignage de la vérité de notre assertion. Si les Juifs n'eussent jamais essayé de rebâtir leur temple , ils pourraient dire que s'ils avaient voulu l'entreprendre, ils auraient pu y réussir selon leurs voeux. Mais je vais montrer que l'ayant tenté trois fois, et ayant été trois fois repoussés, la couronne de la victoire, comme dans les jeux olympiques, appartient à l'Eglise. Quand donc ont-ils formé cette entreprise, ces hommes qui résistent sans cesse à l'Esprit-Saint, qui ne respirent que nouveautés et révoltes?
