8.
Mais nous n'avons pas encore prouvé le point essentiel. Quel est-il? C'est que le Prophète a déterminé le temps que dureraient ces maux, de même qu'on avait marqué quatre cents ans pour la première captivité , et soixante-dix pour la seconde. Voyons donc si pour la troisième on détermine aussi quelque temps; et où trouverons-nous ce que nous cherchons ? sans doute dans ce qui suit. Lorsque tout un avenir de malheurs eut été révélé au Prophète, embrasement, destruction d'empire, captivité du peuple , il désira d'apprendre quelle en serait la fin, et quelle révolution suivrait ces disgrâces. Il fit donc cette demande : Seigneur, dites-moi quelle sera la fin de ces tristes événements ? Le Seigneur lui répondit : Ecoute, Daniel, ces paroles sont fermées et sont scellées (figure qui signifie l'obscurité de l'avenir) jusqu'au temps de leur accomplissement. (Dan. XII, 8 et 9.) Le Seigneur ensuite découvre la cause pour laquelle il a permis ces maux : Jusqu'à ce que plusieurs soient éprouvés parle feu, soient rendus blancs et dignes de mon choix; jusqu'à ce que les sages et les impies qui auront consommé l'iniquité, comprennent mes desseins. Après quoi il prédit le temps que devaient durer les maux : Depuis le temps, dit-il, qu'aura été aboli le sacrifice perpétuel. On appelait sacrifice perpétuel, comme nous l'avons dit plus haut, le sacrifice de tous les jours, le sacrifice que les Juifs étaient dans l'usage de faire chaque jour à Dieu le matin et le soir. Comme donc Antiochus, après avoir emporté de force Jérusalem, avait aboli cet usage, l'ange du Seigneur dit à Daniel : Depuis le temps qu'aura été aboli le sacrifice perpétuel, il se passera mille deux cent quatre-vingt-dix jours, c'est-à-dire, trois années et demie et un peu plus. Ensuite il fait entendre qu'on verrait alors la fin et le terme de ces maux. Heureux, ajoute-t-il, celui qui aura supporté ces disgrâces, et qui sera arrivé jusqu'à mille trois cent trente-cinq jours! Ce sont quarante-cinq jours ajoutés aux mille deux cent quatre-vingt-dix jours. Les combats qui devaient assurer la révolution durèrent un mois et demi, et ce fut après ce terme que la victoire fut complète, et la délivrance entière. En disant: Heureux celui qui aura supporté patiemment ces disgrâces, et qui sera arrivé jusqu'à mille trois cent trente-cinq jours, il annonce la délivrance. Et il ne dit pas simplement : Celui qui sera arrivé, mais: Celui qui aura supporté et qui sera arrivé. Comme plusieurs méchants devaient voir l'heureux changement, ce ne sont pas eux que l'ange du Seigneur proclame heureux, mais ceux qui dans le temps de l'affliction ayant rendu témoignage à la foi qu'ils n'auront pas trahie, seront sortis de la détresse. C'est pour cela qu'il ne dit pas simplement : Celui qui sera arrivé, mais : Celui qui aura supporté et qui sera arrivé. Est-il rien de plus clair? Vous voyez que le Prophète a marqué avec exactitude pour la durée et pour le terme de la captivité, les années, les mois, et jusqu'à un jour près.
Et afin de prouver que ce ne sont pas ici de vaines conjectures, je vais produire un autre témoin, que les Juifs ne regardent pas comme suspect; je veux dire Josèphe,,qui a raconté leurs disgrâces tragiques, et qui a expliqué assez au long l'Ancien Testament. Cet écrivain venu après Jésus-Christ, a parlé de la captivité que le Fils de Dieu a prédite, il parle aussi de la troisième, il explique la vision du Prophète touchant le bélier, le bouc, les quatre cornes, et une cinquième qui vint après elles. Mais pour qu'on ne se défie pas de nos discours, nous allons citer les propres paroles de Josèphe1. Cet historien, après avoir donné de grandes louanges à Daniel qu'il admire, et qu'il préfère aux autres prophètes, vient à sa vision dont il parle de la sorte : « Daniel a laissé des écrits où l'on voit l'exactitude en même temps et la certitude de sa prophétie. Il dit qu'étant à Suze , ville capitale de la Perse, il sortit dans la plaine avec quelques-uns de ses compagnons ; que dans un tremblement de terre qui survint, ses amis prirent la fuite et qu'il resta seul; qu'il tomba le visage contre terre, appuyé sur ses deux mains ; que quelqu'un étant venu le toucher et lui ordonnant de se lever, il vit ce qui devait arriver à ses compatriotes après plusieurs générations; qu'on lui montra, lorsqu'il fut levé, un grand bélier, auquel il crût plusieurs cornes, dont la dernière était plus haute que les autres; qu'il tourna ensuite les yeux vers le couchant, et qu'il aperçut un bouc, lequel s'avançant avec impétuosité, joignit le bélier, le frappa deux fois, lui brisa les cornes, le renversa et le foula aux pieds; que le bouc lui parut ensuite plus haut, qu'il lui sortit du front une très-grande corne; que cette corne étant rompue, il en poussa quatre autres, tournées du côté des quatre vents; que d'une d'entre elles il naquit une autre moins considérable qui s'accrût beaucoup. Dieu, qui lui montrait cette vision, lui dit que cette dernière corne subjuguerait les Juifs, prendrait de force leur ville, pillerait le temple, abolirait les sacrifices, que ces maux dureraient mille deux cent quatre-vingt-dix jours. Telle est la vision que Daniel écrit avoir eue dans la campagne de Suze. Il supplia le Seigneur de lui expliquer cette vision. Le Seigneur lui dit que le bélier signifiait les royaumes des Perses et des Mèdes; les cornes, les rois qui devaient y régner; la dernière corne, un dernier roi qui devait l'emporter sur les autres en gloire et en richesses ; que le bouc marquait qu'il sortirait des Grecs un prince qui se mesurant deux fois contre le roi de Perse, le déferait dans un combat, et s'emparerait de toute sa puissance ; que la première grande corne qui sortait du front du bouc, annonçait un premier roi ; que les quatre cornes qui poussaient, la première étant rompue, et dont chacune était tournée vers une des quatre parties du monde , marquaient qu'après la mort du premier roi quatre successeurs se partageraient son empire; que sans être ni ses enfants ni ses parents, ils lui succéderaient, et commanderaient plusieurs années dans le monde. Un des descendants de ces quatre princes devait abolir les lois des Juifs, détruire leur gouvernement, piller leur temple, faire cesser leurs sacrifices pendant trois ans. » Voilà, ô Juifs ! les maux que votre nation a soufferts de la part d'Antiochus Epiphane, selon que l'avait prédit Daniel plusieurs années avant qu'ils arrivassent. Est-il rien de plus clair que les prédictions que nous venons d'expliquer ?
Josèphe, Antiq. juives, 1. 10, ch. 11. Le texte de la citation est altéré à la fin; mais il est aisé de le rétablir en consultant les éditions grecques de Josèphe. Cet historien n'est pas fort exact en citant la prophétie de Daniel i il s'est permis d'y ajouter quelques circonstances. ↩
