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Il est temps, à moins que la longueur de notre discours ne vous fatigue, de passer à la question principale pour laquelle nous sommes entrés dans tous les éclaircissements qui précèdent, je veux dire à la captivité présente des Juifs. Renouvelez-moi, je vous prie, votre attention pour l'objet important dont je vais vous entretenir. Dans les jeux olympiques vous avez la patience d'attendre depuis le milieu de la nuit jusqu'au milieu du jour, pour savoir quels athlètes obtiendront la couronne; vous recevez, la tête nue, les rayons d'un soleil brûlant, vous ne voudriez pas vous retirer avant la décision de tous les combats : et lorsqu'il s'agit pour vous-mêmes, non d'une couronne périssable, mais d'une couronne incorruptible, vous seriez languissants et lâches ! Une telle conduite ne serait pas raisonnable.
Nous avons prouvé suffisamment que les trois premières captivités ont été prédites ; il nous reste à parler de la quatrième. Je montrerai par le témoignage du même Josèphe, l'homme le plus zélé pour les intérêts des Juifs, que le Prophète a aussi prédit cette dernière captivité. Ecoutons ce que l'historien ajoute à ce que nous avons rapporté plus haut. « Daniel dit-il, a écrit de la même manière sur la domination des Romains, il a prédit qu'ils prendraient la ville de Jérusalem et qu'ils désoleraient le temple. n Observez, ô Juifs, que, quoique Josèphe fût votre compatriote, il n'a pas eu l'impudence d'imiter votre opiniâtreté. Après avoir dit que Jérusalem serait prise, il n'a pas osé ajouter qu'elle serait rétablie, ni marquer le terme de son désastre. Mais il a copié Daniel qui ne marque pas ce terme; et quoiqu'en parlant de la victoire d'Antiochus, de la désolation du temple, il eût déterminé les années et les jours que durerait la captivité, il ne s'est pas exprimé de même au sujet des Romains. Il a bien dit que Jérusalem et le temple seraient désolés, mais sans ajouter quelle serait la fin de cette désolation, parce que le Prophète ne l'ajoute pas. « Daniel, dit-il, nous a laissé dans son livre tous ces faits à venir que Dieu lui a révélés, de sorte que ceux qui le lisent et considèrent les événements, l'admirent pour l'honneur qu'il a reçu de Dieu. »
Maintenant où Daniel a-t-il dit que le temple serait désolé ? Lorsqu'il eut achevé sa prière, dans le sac et dans la cendre, Gabriel vint à lui de la part du Seigneur, et lui dit : Dieu a fixé les temps à soixante et dix semaines en faveur de votre peuple et de la cité sainte. (Dan. IX, 24.) Voici un temps marqué, dira-t-on: oui, sans doute; mais c'est celui où devait renaître la captivité, et non celui où elle devait finir. Or, dire le temps que doit durer une captivité , ou le temps après lequel elle doit avoir lieu, ce sont deux choses différentes. Dieu, dit-il, a fixé les temps à soixante et dix semaines en faveur de votre peuple. Il ne dit plus : En faveur de mon peuple. Cependant le Prophète avait dit plus haut, en s'adressant à Dieu : Faites reluire votre face sur votre peuple (Dan. IX, 17) ; mais Dieu regarde ce même peuple comme étranger, à cause de l'attentat qu'il devait commettre. Daniel ensuite ajoute la cause de l'indignation du Seigneur : Jusqu'à ce que les anciens péchés, dit-il, soient effacés par de nouveaux, et que l'iniquité vienne à son comble. Qu'est-ce à dire, que l'iniquité vienne à son comble ? Ils commettent beaucoup de fautes; mais le comble du crime sera lorsqu'ils auront fait mourir leur Seigneur et leur Maître. C'est ce que leur dit Jésus-Christ : Remplissez la mesure de vos pères (Matth. XXIII, 32) : vous avez tué les serviteurs, répandez aussi le sang du Maître. Voyez l'accord des passages : Remplissez la mesure , dit Jésus-Christ, jusqu'à ce que l'iniquité vienne à son comble, dit le Prophète , c'est-à-dire jusqu'à ce qu'elle soit telle , qu'on ne puisse rien y ajouter. Poursuivons : Jusqu'à ce que la justice éternelle soit amenée sur la terre. Quelle est cette justice éternelle, sinon la justice qui nous a été donnée par Jésus-Christ? Jusqu'à ce que les prophéties et les visions soient accomplies, et que le Saint des saints soit sacré de l'huile sainte. Soient accomplies, c'est-à-dire aient leur fin et leur terme, car c'est la force de l'expression qu'emploie Daniel. La Loi et les Prophètes, dit Jésus-Christ, ont duré jusqu'à Jean. (Matth. XI, 13.) Vous voyez comme le Prophète leur prédit une désolation totale et une punition éclatante de leurs crimes. Dieu ne s'engage pas à leur pardonner leurs fautes, mais il menace de les punir avec éclat.
