LXX. — Sur ces paroles de l'Apôtre : « La mort a été absorbée dans la victoire. O mort, où est ta résistance ? Où est, ô mort, ton aiguillon ? Or l'aiguillon de la mort, c'est le péché, et la force du péché, la loi 1. »
Par mort, je perse, l’Apôtre entend ici l'habitude de la chair, qui résiste à la bonne volonté par l'attrait des jouissances temporelles. Il ne dirait pas : « O mort, où est ta résistance ? » s'il n'y avait pas eu résistance et combat. Or la lutte de la chair est décrite dans le passage suivant: « La chair convoite contre l'esprit, et l'esprit contre la chair. En effet ils sont opposés l'un à l'autre, de sorte que vous ne faites pas ce que vous voulez 2. » La sanctification parfaite produit donc cet effet que tout appétit charnel est soumis à notre esprit éclairé et vivifié, c'est-à-dire à la bonne volonté. Et comme nous nous voyons maintenant privés de beaucoup de jouissances puériles, dont le refus causait à notre enfance les plus cruels tourments ainsi devons-nous croire qu'il en sera de toute délectation charnelle, quand une sainteté parfaite aura tout réparé dans l'homme. Mais tant qu'il y aura en nous quelque chose qui résiste à la bonne volonté, nous avons besoin du secours de Dieu par l'entremise des âmes pieuses et des bons anges, afin que si notre blessure nous incommode avant d'être guérie, elle ne détruise au moins pas en nous la bonne volonté.
Nous avons mérité cette mort par le péché : péché parfaitement libre, parfaitement volontaire, puisqu'il n'y avait, dans le paradis terrestre, aucune douleur, aucune privation de jouissance, qui pût, comme aujourd'hui, faire obstacle à la bonne volonté. Par exemple, si quelqu'un n'a jamais eu de goût pour la chasse, il reste pleinement libre de chasser ou de ne pas chasser, et on ne lui fait aucune peine en l'en empêchant. Mais s'il a abusé de cette liberté, en chassant contre l'ordre d'un maître, le plaisir s'insinuant peu à peu dans son âme, la blesse, au point que, s'il veut s'en abstenir, il ne le peut plus sans douleur et sans peine : ce qui ne lui fût point arrivé, si son âme avait conservé sa santé parfaite. « Donc l'aiguillon de la mort, c'est le péché,» parce que le péché procure une délectation qui met obstacle à la bonne volonté, et dont la privation cause de la douleur. Or, cette délectation, nous l'appelons mort, et avec raison, parce qu'elle consiste dans un défaut de l'âme devenue plus mauvaise. « Et la force du péché, c'est la loi ; » parce que les actions défendues par la loi sont commises avec plus de méchanceté et de perversité, que si elles n'étaient pas défendues. La mort sera donc absorbée dans la victoire, quand, l'homme étant entièrement sanctifié, les délectations charnelles auront disparu dans la jouissance parfaite des biens spirituels.
