3.
Si vous voulez savoir quelles sont ces erreurs, je les ai signalées dans mes écrits à nos frères, le moine René, et le prêtre Pierre, pour, qui vous avez composé l'ouvrage qui nous occupe en ce moment et qu'il vous avait demandé, dites-vous, avec les plus vives instances. Si vous le désirez, mes amis vous communiqueront mes livres, et vous les offriront même sans que vous les demandiez, Toutefois je ne puis taire ici ce qui me parait répréhensible dans vos écrits et dans votre foi. Et d'abord je vous reproche de soutenir que « Dieu a créé l'âme non pas du néant mais de lui-même1 ». La conséquence toute naturelle serait que l'âme est de la même nature que Dieu; mais vous la repoussez parce qu'elle vous parait à vous-même d'une impiété trop manifeste. Pour y échapper vous n'avez qu'un seul moyen, c'est de dire que l'âme a été créée, non pas de Dieu, mais par Dieu. En effet, ce qui est de Dieu est de la même nature que lui, tel est le Fils unique du Père. Pour que l'âme ne soit pas de la même nature que Dieu, il faut donc qu'elle ait été créée par lui et non pas de lui. Maintenant, dites-nous de quoi elle a été tirée, ou avouez que c'est du néant. Qu'entendez-vous donc quand vous dites que l'âme est une particule du souffle de la nature de Dieu? Ce souffle de la nature de Dieu, dont l'âme est une petite parcelle, nierez-vous qu'il soit de la même nature que Dieu? Si vous le niez, vous vous jetez par là même dans la nécessité de conclure que c'est du néant lui-même que Dieu a tiré ce souffle dont l'âme est formée. Si ce n'est pas du néant, dites-nous de quoi Dieu l'a tirée. S'il l'a tirée de lui-même, il est donc la matière de son propre ouvrage, ce qui est une absurdité. «Mais», dites-vous, « en tirant de lui-même ce souffle, Dieu demeure dans toute son intégrité »; est-ce donc que le feu d'une lampe perd quelque chose de son intégrité, quand il sert à allumer une autre lampe d'une nature absolument semblable?
Liv. I, n. 4; liv. II, n. 5. ↩
