4.
«En soufflant dans une outre », dites-vous, « nous y faisons entrer un vent qui n'est nullement une portion de notre nature ou de notre substance, et que nous exhalons sans que nous ayons à en subir aucune diminution ». C'est à l'aide de cette comparaison, sur laquelle vous insistez complaisamment, que vous prétendez nous faire comprendre comment, sans aucun détriment pour sa nature, Dieu peut tirer notre âme de lui-même, et comment cette âme est distincte de Dieu quoique venant de lui. Vous jetez aussitôt ce cri de triomphe : «Est-ce que le vent qui gonfle l'outre est une portion de notre âme? créons-nous des hommes quand a nous gonflons des outres? ou bien subissons-nous une déperdition de nous-mêmes, a lorsque nous jetons de tous côtés notre a souffle? Non, nous ne perdons rien de «nous-mêmes lorsque nous exhalons ce souffle; après en avoir émis suffisamment pour gonfler une outre, nous sentons parfaitement qu'il reste en nous avec toutes ses qualités et dans toute son intégrité ». Cette comparaison parait vous sourire par son élégance et par son application, mais voyez comme elle est fausse. Vous soutenez que Dieu, essentiellement incorporel, souffle au dehors une âme corporelle, qu'il tire, non pas du néant, mais de lui-même; vous avouez que le souffle que nous exhalons, quoique corporel, est beaucoup plus subtil que notre corps, et que nous le tirons, non pas de notre âme, mais de l'air extérieur par le moyen des poumons. Or, ces poumons, comme du reste tous les membres de notre corps, par qui sont-ils mis en mouvement, si ce n'est par notre âme qui s'en sert comme d'un soufflet pour aspirer et expirer l'air ambiant? En effet, avec les aliments solides et liquides qui constituent la nourriture et le breuvage, Dieu nous a donné un troisième principe d'alimentation, l'air ambiant qui peut suppléer pendant quelque temps à la nourriture et au breuvage, mais sans lequel nous ne pourrions vivre un seul instant, car la vie cesse en nous dès que cesse l'inspiration de l'air et la respiration. Or, de même que les aliments solides et liquides trouvent dans le corps humain des ouvertures spéciales pour entrer et pour sortir, sans quoi ils pourraient nuire également ; de même, comme cet air que nous respirons ne saurait séjourner en nous indéfiniment, sous peine de se corrompre, Dieu lui a ménagé, pour entrer et pour sortir aussitôt, des voies toujours ouvertes servant tout à la fois à la respiration et à l'expiration; ces voies sont la bouche ou les narines, ou toutes les deux à la fois.
