19.
Si vous voulez être catholique, gardez vous de croire, de dire ou d'enseigner que, parmi ceux qui meurent sans baptême, il en est quelques-uns à qui le royaume des cieux est refusé pour un temps et qui entrent seulement dans le paradis; ce ne sera que plus tard, c'est-à-dire à la résurrection générale, qu'ils parviendront au bonheur du royaume des cieux1 ». Une telle doctrine n'a jamais été soutenue, pas même par l'hérésie pélagienne, quoiqu'elle nie formellement la transmission du péché originel dans les enfants. Comme catholique, vous admettez en eux l'existence du péché originel, et voici que, poussé par je ne sais quelle opinion aussi perverse que nouvelle, vous enseignez que, en dehors du baptême de Jésus-Christ, ces enfants peuvent recevoir la rémission de leur péché originel et entrer dans le royaume des cieux. Vous ne comprenez donc pas que, sur ce point, vous êtes de beaucoup inférieur à Pélage lui-même. Ce dernier, plein de respect pour la sentence du Sauveur, dans laquelle il est dit que ceux qui ne sont pas baptisés n'entreront pas dans le royaume des cieux, refuse ce royaume aux enfants morts sans baptême, quoique du reste il les proclame exempts de tout péché. Vous, au contraire, vous ne tenez aucun compte de ces paroles si formelles : «Celui qui ne renaîtra pas de l'eau et du Saint-Esprit ne peut entrer dans le royaume des cieux ». Sans parler de cette erreur grossière par laquelle il vous plaît d'établir une séparation réelle entre le royaume des cieux et le paradis, vous n'hésitez pas à promettre la rémission de leur péché et la possession du royaume des cieux à certains enfants que, comme catholique, vous reconnaissez coupables du péché originel, et que vous supposez mourant sans baptême. Vous flatteriez-vous donc de pouvoir être un vrai catholique, parce que vous affirmez contre Pélage l'existence du péché originel, tandis que vous opposez le plus formel démenti à la parole par laquelle le Sauveur affirme hautement l'absolue nécessité du baptême? A ce titre seul n'êtes-vous point un nouvel hérétique? Bien-aimé fils, la victoire que nous vous souhaitons sur les hérétiques, ce n'est point la victoire de l'erreur sur l'erreur, et surtout la victoire d'une erreur plus grande sur une erreur moins coupable. Voici vos propres paroles : «Quelqu'un me reprochera peut-être d'avoir placé temporairement dans le paradis l'âme du bon larron et de Dinocrate ; mais je soutiens en même temps que le royaume des cieux leur sera ouvert à la résurrection, malgré l'apparente contradiction de cette maxime fondamentale : Celui qui ne renaît pas de l'eau et du Saint-Esprit n'entrera pas dans le royaume des cieux. Quoi qu'il en soit de cette sentence, qu'il ne craigne pas d'embrasser mon sentiment, pourvu qu'il n'ait d'autre désir que de donner plus d'extension et plus de charme aux effets de la miséricorde et de la prescience divines ». Ce sont là vos propres paroles, par lesquelles vous approuvez l'opinion de ceux qui soutiennent que certains hommes morts sans baptême sont reçus temporairement dans le paradis, de manière toutefois qu'après la résurrection ils entreront dans le royaume des cieux, nonobstant la maxime fondamentale par laquelle le Sauveur déclare formellement que celui qui ne renaît pas de l'eau et du Saint-Esprit n'entrera pas dans le royaume des cieux. Craignant de violer cette grave autorité du Sauveur, Pélage, qui ne croyait pas les enfants coupables du péché originel, ne les admettait pas dans le royaume des cieux quand ils mouraient sans baptême; vous, au contraire, vous admettez qu'ils sont coupables de ce péché, et néanmoins vous les absolvez en dehors de toute régénération baptismale, vous les reléguez d'abord en paradis, sauf à leur permettre plus tard d'entrer dans le royaume des cieux.
Liv. II, n. 16. ↩
