CHAPITRE XXIX. QUAND LE BIEN EST-IL PARFAIT ?
« Ce n'est pas moi qui fais cela, mais le péché qui habite en moi » ; vous avez le droit de tenir ce langage, si la concupiscence s'arrête en vous à la convoitise; mais si vous y joignez le consentement du coeur, ou même le concours du corps, ces paroles sont une contradiction sur vos lèvres.
32. L'Apôtre ajoute : « Je sais que le bien n'habite pas en moi, c'est-à-dire dans ma chair : il m'appartient de vouloir, mais je ne trouve pas en moi la force de conduire le bien jusqu'à sa perfection ». La raison en est que le bien n'est parfait en nous que quand nous n'éprouvons plus aucun mauvais désir ; le mal, au contraire, n'a plus rien à désirer en nous quand nous cédons à la mauvaise convoitise. D'un autre côté, tant que nous éprouvons ces mauvais désirs et que nous leur résistons, si le mal ne s'achève point en nous, puisque nous n'obéissons pas, le bien non plus n'est pas encore en nous dans toute sa perfection, puisque nous éprouvons encore ces désirs mauvais; cependant il y a déjà un bien commencé, puisque nous ne consentons pas à la concupiscence mauvaise ; il y a aussi un certain principe mauvais, puisque nous convoitons encore. Voilà pourquoi l'Apôtre nous dit qu'il ne lui appartient pas, non point de faire le bien, mais de le posséder dans son dernier degré de perfection. N'est-ce pas déjà faire beaucoup de bien que d'accomplir cette parole de l'Ecriture : « Ne suivez point votre concupiscence1 ? » Cependant celui qui est la n'est point encore parfait, puisqu'il ne réalise pas encore cette parole: « Vous ne convoiterez pas2 ». Si donc la loi nous dit: « Vous ne convoiterez pas », c'est afin de nous faire mieux sentir que nous sommes encore malades, et que nous avons besoin de chercher le remède de la grâce; c'est afin de mieux préciser à nos yeux le but vers lequel doivent tendre tous nos efforts, pendant cette vie, et le bonheur qui nous attend dans la glorieuse immortalité. Ce but nous serait-il imposé, si. nous ne devions pas le réaliser un jour?
