CHAPITRE XXXI. LA CHAIR SIGNIFIE L'AFFECTION DE LA CHAIR.
35. L'Apôtre, parlant de la concupiscence qui réside dans la chair, pouvait donc l'accuser d'exercer sur « lui-même une sorte de captivité ». En effet, sa pensée se trouve suffisamment déterminée par ce qui suit :
« Je sais que le bien n'habite pas en moi, c'est-à-dire dans ma chair ». Ce qui est rendu captif sous la loi du péché, c'est donc bien cette chair dans laquelle le bien n'habite pas. D'un autre côté, sous ce nom de chair il désigne spécialement les affections de la chair, et non pas sa conformation intérieure ou extérieure, puisqu'il déclare que les membres de cette chair ne doivent pas servir d'armes au péché, c'est-à-dire à la concupiscence, qui tient en captivité la partie charnelle de nous-mêmes. Est-ce que, même dans leur nature corporelle et naturelle, les fidèles, mariés ou vierges, ne sont pas le temple de Dieu? Si donc la chair n'était pas soumise au joug honteux du péché, et par là même du démon, même après la rémission du péché; si elle n'était pas captive de la loi du péché, c’est-à-dire de sa propre concupiscence, que signifieraient ces autres paroles de l'Apôtre: « Attendant l'effet de l'adoption divine, qui sera la rédemption de notre corps1? » Si donc nous attendons encore sous certains rapports la rédemption de notre corps, ne faut-il pas que sous ces mêmes rapports il soit encore captif sous la loi du péché? De là ce cri déchirant qu'il exhale : « Malheureux homme que je suis, qui donc me délivrera de ce corps de mort? La grâce de Dieu, par Jésus-Christ Notre-Seigneur ». N'est-ce pas nous dire clairement que ce corps qui se corrompt est un fardeau pour notre âme? Au contraire, quand il nous sera rendu incorruptible, nous n'aurons plus à craindre qu'il exerce sur nous l'ombre même de l'esclavage; je parle de ceux qui ressusciteront à la vie, car il en sera autrement de ceux qui ressusciteront pour la mort éternelle. C'est donc à ce corps de mort qui nous accompagne en cette vie, que se rapporte cette autre loi qui dans nos membres répugne à la loi de notre esprit, tant que le corps convoite contre l'âme. Toutefois, si puissante que soit cette convoitise, elle ne subjugue pas entièrement l'esprit, puisque celui-ci à son tour convoite contre la chair2. Par conséquent, s'il est vrai que cette loi du péché fait peser son joug sur la chair et lui souffle la résistance contre la loi de l'esprit; cependant on peut dire qu'elle ne règne pas sur notre corps mortel, tant qu'on refuse d'obtempérer à ses désirs. Dans les combats ordinaires ne voit-on pas des ennemis vaincus avoir en leur possession des captifs? De même en est-il pour notre chair: elle est captive sous la loi du péché, mais elle conserve l'espérance de la rédemption. Quand cette rédemption sera venue, il ne restera dans notre corps aucune trace de la concupiscence vicieuse, notre chair sera parfaitement guérie de la maladie qui l'obsède en ce moment, elle se revêtira tout entière de l'immortalité et sera fixée pour toujours dans la béatitude éternelle.
36. L'Apôtre ajoute : « Ainsi je suis moi même soumis à la loi de Dieu selon l'esprit, et assujetti à la loi du péché selon la chair ». « Je suis soumis à la loi de Dieu selon l'es prit », c'est-à-dire que je ne consens pas à la loi du péché ; « je suis assujetti à la loi du a péché selon la chair », car j'éprouve les désirs de la chair; je n'y consens pas, il est vrai, mais je n'en subis pas moins les atteintes. Mais écoutons attentivement ce qui suit : « Il n'y a donc point maintenant de condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ ». Même pendant cette vie, alors que la loi des membres répugne à la loi de l'esprit, et impose son joug sur ce corps de mort, il n'y a point de condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ. En voici la raison: « Parce que la loi de l'esprit de vie, qui est en Jésus Christ, m'a délivré de la loi du péché et de la mort3 ». Comment m'en a-t-elle délivré, si ce n'est en m'accordant la rémission de tous mes péchés? il est vrai que cette loi existe encore, mais elle va chaque jour diminuant, et surtout elle n'est point imputée à péché.
