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Frères bien-aimés de Dieu , prenons garde que ce ne soit de la part de l'homme un acte d'orgueilleuse révolte contre Dieu, de soutenir qu'il accomplit en lui-même ce que le Seigneur a promis. La foi des nations n'a-t-elle pas été promise à Abraham , et Abraham, rendant gloire à Dieu, a cru fermement que Dieu est tout-puissant pour accomplir ses promesses1? Celui qui opère la foi des nations, c'est donc celui qui est tout-puissant pour accomplir ses promesses. Or, si Dieu opère notre foi, en nous amenant à croire par son action mystérieuse dans nos coeurs; devons-nous craindre qu'il ne puisse pas accomplir toute son oeuvre, de telle sorte que l'homme s'en attribue le commencement, et se flatte de mériter par là que Dieu vienne y mettre la dernière main ? S'il en est ainsi, voyez s'il est encore possible d'admettre que la grâce nous est donnée selon nos mérites, d'où il suivrait que la grâce n'est plus une grâce. En effet, ne devient-elle pas une véritable dette, au lieu de rester un don purement gratuit? Celui qui croit n'a-t-il pas un droit réel d'exiger de Dieu l'accroissement de sa foi, de telle sorte que la foi accrue ne soit que la récompense de la foi commencée? d'où il suivrait que ce n'est plus en vertu d'une grâce, mais en vertu d'un droit que cette récompense est imputée à ceux qui croient. Pourquoi ne pas attribuer à l'homme l'oeuvre tout entière, de telle sorte que celui qui a pu se donner ce qu'il n'avait pas, püt également augmenter ce qu'il avait acquis? du moins, je ne vois pas pour quel motif on s'arrêterait en si beau chemin. Ce serait, sans doute, parce qu'on craindrait de se mettre en contradiction trop manifeste avec les passages de l'Ecriture les plus clairs, et attestant si hautement que la foi, principe de toute piété, est un don de Dieu. Par exemple : « Dieu a départi à chacun la mesure de la foi2 ; à nos frères, paix et charité avec la foi par Dieu le Père, et Notre-Seigneur Jésus-Christ3 »; et autres témoignages du même genre. Voulant donc ne pas se mettre en contradiction avec des oracles aussi formels, et en même temps s'attribuer le mérite de la foi, le semi-pélagien fait entrer pour ainsi dire l'homme et Dieu en composition, de manière à leur attribuer à chacun une partie de la foi, sauf pourtant à se faire honneur de la première, en laissant la dernière à Dieu. Il exige le concours des deux, mais d'abord celui de l'homme et ensuite celui de Dieu.
