A VINCENT, A L'OCCASION DE LA TRADUCTION DE QUATORZE HOMÉLIES D'ORIGÈNE, SUR LE PROPHÈTE JÉRÉMIE. OPHTALMIE DE JÉROME, SA PAUVRETÉ, SON MANQUE DE COPISTES.
Date incertaine
Vous me demandez, mon cher ami, une chose bien difficile et bien grave, c'est-à-dire que je fasse parler latin à Origène, afin que les Romains entendent la voix d'un homme qui, au sentiment de Didyme le savant, doit passer, après les Apôtres, pour le grand maître de toutes les Églises. Mais pour deux raisons je ne puis répondre à vos justes désirs, et faire promptement ce que vous souhaitez avec tant d'ardeur; car d'un côté vous savez que je suis tourmenté cruellement d'une ophtalmie, occasionnée par un excès de travail; d'un autre côté, je suis si pauvre maintenant, que je ne puis appeler des copistes pour écrire ce que je leur dicterais. Je me contente donc, dans les circonstances actuelles, de vous donner quatorze homélies sur Jérémie, que j'ai traduites saris ordre il y a déjà longtemps, et un pareil nombre sur Ezéchiel, que j'ai dictées à diverses reprises. J'ai eu grand soin d'y conserver le style naturel et facile de cet auteur, persuadé qu'il faut mépriser l'art de l'éloquence quand on veut se rendre utile, puisque nous ne louons point en lui les expressions et les paroles, mais les vérités qu'il nous enseigne. Vous remarquerez que nous avons aussi d'Origène trois sortes d'ouvrages sur toute l'Écriture; car il a fait sur certains endroits qui lui paraissent obscurs de petites notes que les Grecs appellent scholies, qui expliquent succinctement les difficultés que l'on rencontre en lisant les livres saints. Sa seconde espèce de livres consiste en homélies ou discours familiers qu'il prononçait devant le peuple ; et celles que je vous donne aujourd'hui sont de ce genre-là. Enfin il a composé des volumes de commentaires qu'il appelle des thèmes ou grands traités, dans lesquels, abandonnant son esprit à toute son impétuosité, il s'élève pour pénétrer la hauteur et la profondeur de l'Écriture et les sens les plus mystérieux. Vous désirez, je le sais, que je vous traduise ces divers ouvrages; mais je vous ai déjà fait connaître ce qui m'en empêche. Toutefois je vous promets, si Jésus-Christ me rend la santé par vos prières, que je traduirai plusieurs ouvrages d'Origène; car pour vous les promettre tous, ce serait une trop grande témérité. Ce que je ferai même ne sera qu'à la condition, comme je vous l'ai dit, que je dicterai, et que vous me fournirez des copistes.
