A CASTORINA, SA TANTE. IL LA CONJURE D'OUBLIER LEURS RESSENTIMENTS.
Lettre écrite du désert, en 372.
Saint Jean, qui a uni en sa personne la qualité d'apôtre et celle d'évangéliste, dit que « tout homme qui hait son frère est homicide.» C'est bien avec raison qu'il parle de la sorte; car comme l'homicide est ordinairement l'effet de la haine, un coeur qui s'abandonne à cette furieuse passion est souvent coupable d'un meurtre dont la main est innocente. A quoi bon un tel début, me direz-vous, et que prétendez-vous par là? C'est de vous exhorter à bannir de votre coeur toute l'aigreur que nos anciens différends y ont fait naître, afin d'y préparer une demeure agréable au Seigneur. « Mettez-vous en colère, » dit David, « et ne péchez point; » c’est-à-dire, comme l'explique saint Paul: « Que le soleil ne se couche point sur votre colère.»
Que deviendrons-nous au jour du jugement, nous que le soleil voit persévérer dans la haine, non pas durant un jour, mais depuis tant d'années? Jésus-Christ dit dans l'Evangile : « Si en présentant votre don à l'autel, vous vous souvenez que votre frère a quelque sujet de chagrin contre vous, laissez là votre don devant l'autel, et allez vous réconcilier auparavant avec votre frère, et puis vous reviendrez offrir votre don. » Que je suis malheureux, (je ne puis pas en dire autant de vous,) d'avoir passé tant d'années sans offrir de dons à l'autel, ou d'avoir perdu par une haine invétérée tout le mérite de ceux que j'ai offerts ! Comment avons-nous pu dire tous les jours dans nos prières: « Pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ;» puisque notre coeur n'était pas d'intelligence avec notre bouche, et que nos actions démentaient nos prières? Je vous prie donc encore aujourd'hui, comme je vous en ai déjà prié il y a plus d'un an, de vouloir bien entretenir avec moi cette paix que le Seigneur nous a laissée; il voit votre coeur et le mien, et avant qu'il soit peu, nous paraîtrons devant son tribunal, et nous y serons ou récompensés pour avoir fait la paix, ou punis pour l'avoir rompue. Que si vous ne voulez pas, ce qu'à Dieu ne plaise, étouffer vos anciens ressentiments, pour moi je ne laisserai pas d'être déchargé devant Dieu; et cette lettre que je vous écris suffira pour me justifier.
