III.
Pour ce qui est de la première partie de la division que nous avons faite, personne n'a jamais dit que Dieu soit capable d'entrer en colère et de venger les injures qu'on lui fait, mais qu'il n'est point sensible aux honneurs qu'on lui rend et qu'il n'en donne point de récompense. En effet il n'y a rien de si contraire à la nature de Dieu que d'avoir le pouvoir de nuire et de n'avoir pas celui de secourir. Aussi, quel moyen, ou même quelle espérance resterait-il aux hommes d'être sauvés, si Dieu ne pouvait faire que du mal? Cette majesté si vénérable perdrait l'autorité que les juges ont de pardonner et d'absoudre, et serait réduite à la condition d'un exécuteur dont l'unique fonction est de punir. Puisque nous voyons qu'il n'y a pas seulement du mal dans le monde, mais qu'il y a aussi du bien, il faut que, si Dieu n'en est pas l'auteur, il y ait quelque autre qui le soit. S'il y en a quelqu'un, qui est-il? Comment est-ce qu'il s'appelle? Et pourquoi celui qui nous fait du mal nous est-il plus connu que celui qui nous fait du bien ? Mais, s'il ne peut y avoir d'autre principe que Dieu, c'est une extravagance ridicule d'avancer que sa puissance, dont la bonté est égale à la grandeur, nuise toujours et ne serve jamais. Aussi cette extravagance a-t-elle paru si insoutenable qu'elle n'est jamais entrée ni dans la bouche, ni dans la pensée de personne. Ce point étant décidé, passons aux autres, et continuons à chercher la vérité.
