XII.
Après avoir répondu à la prudence impie, ou plutôt à l'aveuglement détestable de quelques-uns, retournons à notre sujet. Nous avons fait voir qu'en étant la religion, on ôte aussi la sagesse et la justice, parce que la connaissance de Dieu ne se trouve que dans l'homme, qu'elle est au-dessus des bêtes, et que si Dieu, qui ne peut être trompé, n'arrête l'impétuosité de nos passions, elles nous emportent dans le crime. Il n'est donc pas seulement utile pour le bien de la société civile, de croire que Dieu considère toutes nos actions, mais cela est très véritable. En effet, si la religion et la justice étaient ôtées d'entre nous, nous tomberions dans un état plus rempli d'aveuglement et de cruauté que n'est celui des bêtes; car au lieu qu'elles épargnent leur propre espèce, si l'homme était délivré de l'appréhension d'une souveraine puissance, il n'épargnerait plus rien, et serait plus farouche et plus cruel que les bêtes, dans les occasions où il pourrait se dérober à la justice des lois et à la rigueur des châtiments. Il n'y a donc que la crainte de Dieu qui maintienne la société civile et la vie humaine. Cette crainte serait ôtée, si l'homme était une fois persuadé que Dieu n'entre jamais en colère. Ainsi non seulement il est utile de croire qu'il y entre toutes les fois qu'il voit commettre des injustices, mais cela est parfaitement conforme à la vérité et à la raison. Retournons maintenant à notre sujet ; et après avoir vu que Dieu a fait le monde, voyons pourquoi il l'a fait.
