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« Ecoutez, ma fille; voyez et prêtez l'oreille! Oubliez votre peuple et la maison de votre père, et le roi sera épris de votre beauté. Car c'est lui qui est votre Dieu, et les peuples l'adoreront. » L'hébreu porte . « C'est lui qui est votre Dieu, prosternez-vous devant lui. » Jusqu'ici le Saint-Esprit s'est exprimé par la bouche du prophète, qu'il compare à la plume d'un « écrivain rapide, » en adressant la parole au roi, au vainqueur, à Dieu, à l'époux. On voit ensuite le père parler à l'épouse de son fils, et l'exhorter à rejeter ses anciennes erreurs et son idolâtrie, et à prêter l'oreille à ce qui va lui être dit. Puis il l'invite à passer dans sa famille et à devenir sa fille. Il l'engage encore à se pénétrer de ce qui lui est exposé clairement, ainsi que des mystères, pour s'élever de l'intelligence des choses matérielles à celle des choses invisibles, de la connaissance des créatures à celle du Créateur, et à prêter une attention profonde pour garder dans sa mémoire les paroles qu'elle va entendre. Et après qu'elle aura vu et entendu, après qu'elle aura prêté l'oreille et qu'elle se sera complètement appliquée à comprendre et à connaître ce qui lui sera enseigné, elle devra oublier son peuple, et, semblable à Abraham quittant la Chaldée, abandonner elle-même sa patrie et sa famille. Nous savons qu'avant d’être adoptés par Dieu nous avions le démon pour père; le Sauveur a dit en effet : « Vous êtes les fils du démon. » Or, aussitôt qu'elle aura oublié son vieux père, et que, se purifiant de ses souillures, elle se sera dégagée des liens de famille et élevée au-dessus d'elle, Dieu lui déclare qu'alors elle sera digne de l’amour de son fils, et que « le roi s'éprendra de sa beauté. » Ce n'est pas d'un homme ordinaire qu'elle doit être aimée, c'est de son roi et de sots seigneur. Le pouvoir seul fait, les rois et les princes; mais pour être rois et princes, ils ne sont pas d'une autre nature que ceux sur lesquels ils règnent. Ici le roi est Dieu et l'épouse doit l'adorer. Les Septante ne portent pas : «Vous l’adorerez, » mais « on l'a dorera ; » c'est-à-dire : celui qui vous aimera, qui s'éprendra de votre beauté est Dieu, et il doit être adoré de tous Ce qui; nous avons dit de l'Église formée de l'union des nations, chaque fidèle doit s'en faire l'application ; que son âme renonce à ses vices, et Dieu l'adoptera pour sa fille. Hommes de foi, prêtez l'oreille, oubliez vos anciens errements, abandonnez avec l'Apôtre votre père défunt, et rendez-vous digne de l’amour du roi. Car il est le Seigneur devant qui il faut fléchir le genou, et dont il faut humblement subir le joug en faisant abnégation de tout orgueil.
Demandez aux Juifs quelle est cette .jeune fille à qui parle le Seigneur: ils répondront infailliblement que c'est leur synagogue. Mais comment peut-il dire à la synagogue et à la nation israélite: « Abandonnez votre peuple et la maison paternelle?» comment Israël peut-il quitter lé peuple hébreu, et Abraham délaisser son vieux père? D'un autre côté, s'ils prétendent que ces mots expriment la vocation d'Abraham quittant la Chaldée, quel serait alors ce roi qui doit aimer la beauté d'Abraham? Assurément celui qui s'écrie : « Écoutez, ô ma fille, » n'est autre que celui dont il est dit : « Le roi sera épris de votre beauté. » Ce dernier n'est pas seulement roi, mais il est le seigneur et le roi qu'on doit adorer.
« Fille de Tyr, les grands de la terre viendront implorer vos regards en vous apportant des présents. » L'hébreu porte : « Fille du Tout-Puissant, les grands de la terre viendront implorer vos regards en vous apportant des présents. » Le mot Sor, qui se trouve plus de soixante-dix fois dans Ezéchiel, peut se rendre par : Tyr, par: fort, ou: forte, par : tribulation, par silex ou: pierre dure. Ces diverses acceptions ont égaré les commentateurs. Aquila, les Septante, Théodotien et la quinte édition traduisent Sor par: Tyr. Sexta a employé le mot Sor lui-même. Symmaque l'a traduit par krataian, c'est-à-dire: très-puissante. Quant à nous, nous appliquons cette épithète à Dieu lui-même, de sorte que nous désignons celle à qui s'adressent ces mots : « Ecoutez et voyez, ô ma fille, » sous le nom de : fille du Tout-Puissant. Ce n'est pas qu'elle ne puisse revendiquer cette qualification de toute-puissante¸ puisqu'à l’exemple du Très-Haut, les grands de la terre implorent, ses regards à force de présents. Par ces «grands de la terre » on peut entendre: les hommes riches en bonnes oeuvres et en science, ou bien : les puissants aux yeux du monde, c'est-à-dire: les sages et les adeptes de la philosophie du siècle, ou bien encore, et cette interprétation est la plus probable : ceux qui étaient puissants auparavant , et qui possédaient la révélation divine, les Ecritures et les prophètes, c'est-à-dire: le peuple d'Israël. De même en effet qu'avant l'arrivée du Sauveur ceux de Tyr ou les gentils qui désiraient avec ardeur d'être prosélytes imploraient le peuple d'Israël puissant alors, et étaient introduits par lui dans le temple, de même depuis le Messie, ceux qui voudront croire, parmi cet Israël autrefois tant favorisé de la familiarité et de la protection de Dieu, viendront à la «jeune fille de Tyr» lui offriront l'hommage de leurs vertus et leur conversion en Jésus-Christ, et l'imploreront pour trouver parmi les gentils ce salut s'ils avaient perdu dans Juda.
